Qu’est-ce que l’état d’urgence ?
Question posée par Ronaldo Pereira, Lisbonne, Portugal
Lorsqu’un gouvernement se trouve en présence d’un péril grave (agression extérieure, rébellion armée…), il peut proclamer l’état d’urgence, un régime qui l’autorise à méconnaître certaines règles légales. L’institution d’un tel régime répond cependant à des conditions, dont le respect strict du principe de nécessité – il faut que la pérennité de l’État soit réellement en danger -, la compatibilité des mesures d’exception avec l’ensemble des obligations de droit international, et notamment le respect de l’intangibilité des droits humains (interdiction de la torture, par exemple).
Malheureusement, dans la plupart des pays soumis à ce régime, les organisations de défense des droits de l’homme ne cessent de protester contre l’usage de la torture, de la détention au secret, le recours à des juridictions d’exception, le contrôle de la justice, des médias et de la société civile…
Pourtant, l’état d’urgence est censé être un « moindre mal » et ne doit, en aucun cas, déboucher sur l’arbitraire. La notion d’exception, qui le sous-tend, suppose notamment un retour rapide à la normalité constitutionnelle. Ce que certains pays se refusent à admettre.
Au cours des trente dernières années, une trentaine de pays ont eu recours à l’état d’urgence pour des périodes variant de quelques jours à quarante et un ans. Les pays arabes représentent près du quart des cas dénombrés et utilisent souvent ce régime pour pérenniser un pouvoir autoritaire. C’est le cas notamment de la Syrie, qui a promulgué l’état d’urgence le 8 mars 1963, à l’issue d’une série de putschs militaires, et ne l’a plus levé depuis. Le ministre de l’Information a, certes, annoncé la suspension de ce régime, le 29 janvier 2001, mais cette décision n’a pas été confirmée par un décret ou une loi, et les restrictions encore imposées à toute forme d’expression politique démontrent que cette suspension est pour le moins précaire.
En Égypte, l’état de siège a été proclamé, au lendemain de l’assassinat du président Anouar el-Sadate en octobre 1981, par le vice-président et futur chef de l’État Hosni Moubarak. Depuis, le pays vit sous un régime d’exception propice à tous les abus de pouvoir. Ainsi, les tribunaux militaires continuent de juger, sans appel, les affaires qui touchent à la sécurité de l’État, notamment les affaires de terrorisme, mais aussi des affaires politiques.
En Algérie, l’état d’urgence a été décrété le 9 février 1992 par le défunt président Mohamed Boudiaf. Il s’agissait, à l’époque, d’une « mesure temporaire » destinée à éviter au pays de basculer dans le chaos, suite à la recrudescence de la guérilla islamiste. En vertu de cette loi, les activités politiques sont assujetties à des autorisations délivrées par le ministère de l’Intérieur. Mais, surtout, l’armée peut intervenir à tout moment pour rétablir l’ordre public. Malgré les déclarations sur le retour à la stabilité dans le pays, le gouvernement algérien ne s’est pas encore décidé à lever l’état d’urgence.
Au Soudan, le président Omar el-Béchir a décrété l’état d’urgence et dissous l’Assemblée nationale, le 31 décembre 1999. But inavoué : écarter le dirigeant islamiste Hassan Tourabi, son éminence grise devenu son rival, qui était alors président du Parlement. L’état d’urgence est renouvelé depuis, chaque année, à la demande de Béchir, par le Parlement, au prétexte que « les menaces au niveau de la sécurité qui avaient nécessité son imposition existent toujours », en référence à la guerre civile qui se poursuit depuis 1983, aux conflits tribaux et aux actes de banditisme dans certaines régions du pays.
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