Quelle stratégie contre l’antisémitisme ?

Publié le 13 septembre 2004 Lecture : 2 minutes.

En tant qu’Israélien, concerné par mon pays, je crois que l’avenir d’Israël dépend de notre capacité à promouvoir une paix juste et durable avec nos voisins, d’abord et principalement avec le peuple palestinien. Les inégalités énormes qui distinguent, dans tous les domaines, les deux sociétés, israélienne et palestinienne, appellent une intervention efficace en provenance de l’extérieur et d’abord de l’Europe. Malheureusement, toute réserve formulée à l’égard de la politique menée par Israël est vécue dans les communautés juives de la diaspora comme une concession à l’antisémitisme. Le besoin d’une action urgente est souligné par la décision de la Cour internationale de justice de La Haye contre le mur de séparation, qu’il importe de démanteler au plus vite : ce mur dit de protection est en fait un mur d’apartheid ; il symbolise le refus de tout dialogue menant à la reconnaissance d’un État palestinien, donc à la paix. Est-ce être antisémite que de le dénoncer comme tel ?
Il y a actuellement en France environ cent émissaires en provenance d’Israël, dont la tâche est de convaincre quelque 30 000 Français juifs de faire leur aliya, c’est-à-dire d’émigrer en Israël. Leur message est simple et en même temps assez effrayant : « Partez de France dès maintenant et venez à votre vraie patrie. La France n’est plus un endroit sûr pour les juifs… » Ce message s’harmonise parfaitement avec le venin de l’antisémitisme : « Juifs, partez de notre pays et allez chez vous, en Israël. Après tout, c’est pour cela que nous vous avons aidés à créer ce pays. » Voilà en bref comment l’antisémitisme peut être à la fois l’expression de la haine inexpiable du juif et l’allié le plus puissant du sionisme (ce que Theodor Herzl avait d’ailleurs revendiqué dans son Journal intime : « Les antisémites deviendront nos amis les plus loyaux, les nations antisémites nos alliées »). Ce point de vue est d’autant plus inadmissible qu’il conduit à considérer les mots « sioniste », « juif » et « israélien » comme des synonymes. Une confusion que les dirigeants sionistes, les hommes politiques israéliens et une partie de la diaspora ne se privent pas d’exploiter politiquement.

Cette confusion est due en majeure partie à Israël. L’élément le plus manifeste est la définition d’Israël comme État « juif et démocratique ». La contradiction inhérente à cette définition (État juif, qui appartient exclusivement au peuple juif ; État démocratique, qui appartient à chacun de ses citoyens reconnus) est pourtant évidente. Un fait ignoré par bien des gens, c’est que la nationalité juive est reconnue par Israël, mais non pas la nationalité israélienne. Sur ma carte d’identité, ma nationalité (par opposition à ma citoyenneté) est enregistrée comme juive, non pas comme israélienne. La nationalité des citoyens non juifs d’Israël est définie comme arabe, russe, turque et ainsi de suite, mais la nationalité israélienne n’existe pas. Beaucoup d’Israéliens, juifs et arabes, la plupart d’entre eux militants comme moi pour la paix, ont demandé à plusieurs reprises que l’État reconnaisse la nationalité israélienne. Une fois de plus, le 23 mai 2004, la Cour suprême d’Israël s’est prononcée défavorablement. Se définir comme un État juif donne à Israël un prétexte pour une discrimination à l’égard de tous ses citoyens non juifs.

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