Bénin : « Danxomè », ou la rencontre brutale d’un colon et d’une amazone

Avec le récit initiatique « Danxomè », l’auteur français Yann Fastier livre un roman profondément humain sur l’absurdité et la violence des guerres de conquête coloniale.

Béhanzin fut le roi du Dahomey du 6 janvier 1890 au 15 janvier 1894, date de sa reddition. © MARY EVANS/SIPA

Béhanzin fut le roi du Dahomey du 6 janvier 1890 au 15 janvier 1894, date de sa reddition. © MARY EVANS/SIPA

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Publié le 6 janvier 2021 Lecture : 3 minutes.

La conquête coloniale, dans tout ce qu’elle a de plus absurde, de plus violent et de plus inhumain. Avec Danxomè, Yann Fastier plonge son lecteur dans les affres de la seconde guerre du Dahomey. Nommé par Georges Clemenceau à la tête d’un corps expéditionnaire hétéroclite, le colonel Alfred Dodds, ancien commandant des forces françaises du Sénégal, va faire tomber le roi fon Béhanzin, dont les attaques perturbaient les plans de croissance économique de la puissance occupante.

Jeunesse sacrifiée

« Danxomè », de Yann Fastier, est paru dans la collection « Les Héroïques » des éditions Talents Hauts (288 pages, 16 euros). © éditions Talents Hauts

« Danxomè », de Yann Fastier, est paru dans la collection « Les Héroïques » des éditions Talents Hauts (288 pages, 16 euros). © éditions Talents Hauts

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Le récit suit deux adolescents. Un jeune homme, français, et une jeune fille, dahoméenne. Deux archétypes d’une jeunesse sacrifiée en ces temps de pillages et de conquête « civilisatrice ».

Alexandre Maurel, 17 ans, accompagne à son corps défendant son père Eugène, un médecin de la coloniale aussi pleutre que raciste et violent,  dans cette « aventure » qui deviendra vite sanglante.

Agosì, 14 ans, dont le père a été tué dans une sombre affaire de lutte de pouvoir dont on ne saura pas grand-chose, est intégrée de force au corps des « agoojie », ces guerrières « amazones » à la terrible réputation que Béhanzin envoyait en première ligne face aux fusils des colons.

Zélote ou altruiste

Ils n’ont rien en commun, si ce n’est d’être tous deux les acteurs – involontaires et, sans doute, insignifiants – de l’« Histoire » en train de s’écrire dans le sang. Chacun d’entre eux va cependant vivre l’un de ces événements clés qui font surgir la vérité de l’être. Un instant critique, lors duquel ils vont devoir choisir leur voie. Celle des zélotes, qui acceptent d’appliquer des ordres insensés, ou celle des altruistes, qui laissent la compassion prendre le pas sur l’endoctrinement.

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Ils vont aussi faire chacun l’expérience de la trahison, des non-dits et arrangements de leurs chefs avec la réalité et les promesses. Découvrir, aussi, que la guerre fabrique des monstres prompts à se retourner contre leurs propres alliés, faute de trouver un ennemi à leur portée.

Jeune colon contre guerrière orpheline

Au fil de ces parcours initiatiques croisés, les deux héros de Danxomè vont soudainement se retrouver confrontés l’un à l’autre. Au cœur d’une bataille dont le chaos et la brutalité les poussent dans leurs derniers retranchements, Alexandre le jeune colon et Agosì la guerrière orpheline vont, sans pourtant comprendre la langue de l’autre, se rencontrer au sens plein du terme.

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Publié dans la collection « Les Héroïques », de la maison d’édition Talents Hauts, qui regroupe des ouvrages censés s’adresser aux adolescents, ce livre mérite sans doute d’être réservé aux plus âgés d’entre eux.

Yann Fastier est un auteur et illustrateur français d'ouvrages pour la jeunesse. © Talents hauts

Yann Fastier est un auteur et illustrateur français d'ouvrages pour la jeunesse. © Talents hauts

S’il conte cet épisode historique à hauteur d’homme, Yann Fastier n’épargne en effet rien à son lecteur de la cruauté des combats, de l’âpreté des relations humaines et de la complexité des sentiments qui traversent ce jeune homme, cette jeune fille et les personnages qu’il croisent et côtoient dans cette plongée dans l’horreur.

Un fossé entre « eux » et « nous »

Dans Danxomè, l’auteur alterne les points de vue, passant d’un héros à l’autre. Mais là où Alexandre est un « je » qui invite à l’identification, Agosì est un « tu » qui, au contraire, met à distance. Un choix de narration qui évite sans aucun doute l’écueil d’une éventuelle accusation d’appropriation culturelle, mais qui, au fil des pages, renforce dans l’esprit du lecteur le fossé entre un « eux » et un « nous » que l’on aurait aimé voir comblé.

Un roman aussi plaisant à lire qu’instructif

Et si les deux héros sont parés de toutes les vertus – courageux, sensibles, humains, beaux et intelligents –, la complexité des personnages secondaires apporte aussi un peu de contraste et de complexité. La richesse des descriptions et la précision des éléments de contexte historique, toujours évoqués habilement, plutôt que délivrés de manière didactique, font aussi de Danxomè un roman aussi plaisant à lire qu’instructif.

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