La crise s’éloigne

Oubliés, les attentats du 11 septembre ! Après deux ans de bouderie, les visiteurs étrangers ont retrouvé le chemin de la Tunisie et du Maroc.

Publié le 13 septembre 2004 Lecture : 4 minutes.

Tunis, 6 septembre. Un groupe de touristes déambule avenue Bourguiba, sous un soleil de plomb. Wahid Braham, le directeur général de l’Office national du tourisme tunisien (ONTT), se fraie un chemin parmi eux et commente : « Au fond, l’affluence de visiteurs étrangers à cette période de l’année prouve que la haute saison, qui s’achève habituellement fin août, pourrait être prolongée jusqu’à la fin du mois d’octobre. » Depuis le début de l’année, le nombre de nuitées dans les hôtels classés avoisine 24 millions, soit une augmentation de 17,2 % par rapport à la même période de 2003. Et les recettes en devises ont atteint 1,37 milliard de dinars, soit 893 millions d’euros (+ 15,6 %). Entre début janvier et fin juillet, le nombre des visiteurs a été légèrement inférieur à 3,2 millions (+ 21 %).

Marrakech, 3 septembre. Abbès Azzouzi, le tout nouveau patron de l’Office national marocain du tourisme (ONMT), dresse devant le conseil régional du Tourisme un bilan non moins positif. Au cours des sept premiers mois de l’année, le nombre des touristes a, dans le royaume, augmenté de 19 % par rapport à la même période de 2003. Les nuitées (7,37 millions) ont progressé de 17 %, et les recettes voyages (1,75 milliard de dirhams, soit 160 millions d’euros) de 4,5 %.
Les hôtels ayant fait le plein pendant la saison estivale, les responsables des deux pays se frottent les mains : l’année 2004 s’annonce meilleure encore que 2001. Wahid Braham table sur 5,6 millions de visiteurs, ce qui constituerait un record, et Adil Douiri, le ministre marocain du Tourisme et de l’Artisanat, sur 5 millions.
Les deux pays reviennent de loin. En 2002 et 2003, ils n’ont pas été épargnés par la crise du tourisme mondial consécutive aux attentats du 11 septembre 2001 à New York et à Washington. En 2002, le nombre de touristes a baissé d’environ 6 %, le montant des recettes en devises de 15,4 % et le nombre des nuitées en Tunisie de 15,7 %. L’année suivante, le nombre de visiteurs est remonté de 6 % au Maroc et de 1 % en Tunisie, mais les recettes en devises ont sensiblement diminué.
Ce retour à la normale est évidemment une excellente nouvelle pour les économies des deux pays, très tributaires du tourisme. En Tunisie, la part de celui-ci dans le Produit intérieur brut (PIB) est de l’ordre de 6 %. Il assure quelque 350 000 emplois, directs ou indirects. Les recettes en devises qu’il procure couvrent, en moyenne, 65 % du déficit de la balance commerciale et représentent 18 % du montant total des exportations. Au Maroc, sa part dans le PIB est également de 6 % et il fournit environ 600 000 emplois. Du coup, les opérateurs du secteur, les hôteliers surtout, retrouvent le moral. Et les banques peuvent espérer le recouvrement de leurs créances impayées depuis deux ans.
Outre le très bon rapport qualité/prix proposé par le Maroc et la Tunisie – bien meilleur que celui de leurs concurrents du pourtour méditerranéen -, plusieurs facteurs expliquent cette spectaculaire amélioration de la situation. D’abord, bien sûr, la reprise du tourisme mondial enregistrée cette année ; mais aussi le retour des touristes en provenance d’Europe (où la croissance a redémarré cette année) et la présence de plus en plus importante de vacanciers locaux dans les hôtels. S’y ajoute, dans le cas de la Tunisie, l’afflux de visiteurs libyens et algériens, ainsi que de « Beurs » français.
Selon les tour-opérateurs européens, la Tunisie et le Maroc ont été les destinations vedettes de la saison estivale. TUI, le plus important d’entre eux, fait état d’une progression de 45 % de ses ventes sur la Tunisie et de 34 % sur le Maroc. L’opérateur allemand, qui vante le « calme et la stabilité » qui prévalent en Tunisie, estime que l’attentat de Djerba, en avril 2002, n’a pas eu d’effet dissuasif sur les touristes européens. En tout cas, les pertes enregistrées par le pays sont tout à fait comparables à celles de nombreux pays non musulmans. Mieux encore, les responsables de TUI révèlent que la « destination Maroc » enregistre des résultats « inattendus », en dépit des attaques terroristes à Casablanca, l’an dernier, et de l’implication de plusieurs Marocains dans l’attentat de la gare d’Atocha, à Madrid, au mois de mars.
Cette année (de janvier à juillet), le nombre des touristes européens en Tunisie a augmenté de 26 %. Ils représentent 58,4 % de l’ensemble des visiteurs étrangers, contre 56,1 % un an auparavant. Les Français sont les plus nombreux avec 592 000 visiteurs (+ 25 %), devant les Allemands (+ 25 %), les Italiens (+ 28 %), les Britanniques (+ 31,6 %), les Belges (+ 5,6 %) et les Espagnols (+62 %). Mais le nombre des visiteurs maghrébins aussi a augmenté (+ 13,5 %), la palme revenant aux Libyens, qui ont été plus de 820 000 à se rendre en Tunisie pour faire du tourisme ou se soigner. Ils sont 325 000 Algériens a avoir également passé leurs vacances en Tunisie (+ 14,6 %), souvent en compagnie de parents ou d’amis beurs français. Ces sympathiques retrouvailles estivales tendent à devenir une tradition.
Les Européens ont également retrouvé le chemin du Maroc, un peu oublié depuis deux ans. Les Français arrivent en tête (+ 25 %), devant les Espagnols (+36 %), les Britanniques (+11 %) et les Allemands (+ 18 %).
Cette embellie devrait inciter les responsables des deux pays à persévérer dans le développement d’un secteur particulièrement sensible aux aléas de la conjoncture internationale. Au Maroc, un plan baptisé « Vision 2010 » prévoit de renforcer la capacité d’accueil (75 000 lits supplémentaires) et la création de six nouvelles stations balnéaires. L’objectif – très ambitieux est d’accueillir 10 millions de touristes par an, dans un délai de cinq ans. Soit deux fois plus qu’aujourd’hui.
En Tunisie aussi, six nouvelles stations balnéaires devraient voir le jour à l’horizon 2010. Mais le pays, qui dispose d’une capacité hôtelière deux fois plus importante que celle du Maroc, se préoccupe moins de la quantité de lits disponibles que de la qualité des prestations. Les responsables se gardent donc, pour le moment, de s’assigner un objectif chiffré. Combien de visiteurs en 2010 ? On verra. « L’essentiel, c’est de mettre l’accent sur la qualité », martèle Abderrahim Zouari, le ministre du Tourisme et de l’Artisanat.

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