Injustes noces

Depuis l’adoption, en 2002, de la nouvelle loi sur l’immigration, la plupart des couples mixtes n’ont d’autre choix que de se réfugier… en Suède.

Publié le 13 septembre 2004 Lecture : 2 minutes.

Au Danemark, le mariage homosexuel ne pose aucun problème. En revanche, faire entrer dans le pays un conjoint étranger relève de l’exploit. Depuis le vote, en mai 2002, par le gouvernement conservateur-libéral actuel, d’une nouvelle loi sur l’immigration, les couples mixtes désireux de s’installer au Danemark doivent remplir des critères draconiens. Entre autres : un âge minimal de 24 ans ; un revenu annuel de 250 000 couronnes (DKK), soit 33 500 euros ; une provision bancaire de 50 000 DKK ; un logement permanent ; ainsi que des « liens » avec le Danemark plus forts qu’avec n’importe quel autre pays. Ce dernier critère est le plus décrié. Et pour cause. Un Danois d’origine turque qui souhaite épouser une Turque aura le plus grand mal à faire venir sa promise au Danemark. Les services d’immigration danois les inviteront certainement à s’installer en Turquie.
À moins que les tourtereaux ne décident d’émigrer en Suède. La liberté de résidence prévaut entre les pays d’Europe du Nord (Finlande, Norvège, Islande, Suède et Danemark) et, depuis qu’un pont a été construit sur le détroit de l’ÿresund, en 2000, Copenhague est directement relié à la ville suédoise de Malmö. Un Danois peut donc s’installer en Suède, accompagné de sa famille. Au bout de deux années, le partenaire danois a le droit de demander la nationalité suédoise. Muni de celle-ci, il peut retourner au Danemark en tant que Suédois, ayant le droit, en tant que ressortissant de l’Union européenne, de vivre au Danemark avec sa moitié, fût-elle originaire d’un pays du Sud.
Mais faut-il encore en avoir envie. De nombreux couples mixtes avouent leur colère d’avoir dû émigrer. Tina, une Danoise de 27 ans, et son mari marocain, Mohsine Boudal, ont été contraints de s’installer en Suède avec leur fils Elias, âgé de 1 an. Mohsine ne pouvait obtenir de permis de résidence au Danemark. Aujourd’hui, à cause de « cette loi injuste et stupide », selon Tina, ils ne savent pas de quoi l’avenir sera fait, car Mohsine ne souhaite plus habiter dans un pays qui les a chassés, lui, sa femme et son fils.
Mark est tout aussi furieux et « honteux » de l’attitude de son pays. Il a épousé Clara, une Brésilienne de 20 ans, en février dernier. Le couple réside pour l’heure à Copenhague, mais le visa touristique de Clara expire dans un mois. Pourtant, Mark est danois et a toujours vécu au Danemark, où il possède un bon emploi. Mais rien n’y fait : Clara est « trop jeune ». Les solutions ? S’installer au Brésil, ou émigrer à Malmö, mais les locations d’appartements y sont devenues très onéreuses et rares en raison de l’afflux des nouveaux arrivants.
Environ soixante couples mixtes arrivent chaque mois, estiment les services d’immigration suédois de la région de Malmö. Plus d’un millier ont fui le Danemark ces deux dernières années. Côté danois, les chiffres sont tout aussi criants : les demandes de regroupement familial enregistrées par les services d’immigration du royaume se sont effondrées de 11 000 en 2002 à 6 500 en 2003, et le nombre de permis de résidence octroyés a lui aussi été divisé de moitié, pour chuter à 2 500 l’année passée.
En attendant, la nouvelle sévérité de la politique migratoire danoise n’a pas affecté le mariage du prince Frederik et de l’Australienne Mary Donaldson, célébré le 14 mai 2004. Rares sont ceux qui ont fait cas du contraste entre l’accueil réservé à la jolie princesse et le rejet opposé à ces milliers de couples étrangers.

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