Madagascar : l’ancien président Hery Rajaonarimampianina sort du silence
Pour la première fois depuis sa défaite, en 2018, Hery Rajaonarimampianina a accepté de se confier à JA. S’il n’hésite pas à épingler le président Rajoelina, l’ancien chef de l’État laisse planer le doute sur un possible retour en politique.
Voilà deux ans qu’Hery Rajaonarimampianina avait disparu des radars médiatiques. L’ex-président malgache ne s’était plus exprimé depuis sa défaite aux allures de camouflet à l’issue du premier tour de l’élection présidentielle, en novembre 2018. Il ne lui avait alors fallu qu’un peu plus de huit minutes pour présenter ses excuses « à ceux qui [avaient] pu être blessés » lors de la campagne et surtout annoncer qu’il refusait de soutenir « l’un ou l’autre des deux candidats présents au deuxième tour ».
L’ancien chef de l’État tirait ensuite sa révérence, disparaissant de la scène politique malgache aussi soudainement qu’il y était apparu, cinq ans plus tôt. Il n’avait même pas jugé utile d’assister, en janvier 2019, à l’investiture de son successeur, Andry Rajoelina, comme le veut pourtant la tradition. « Pour le laisser travailler tranquille et respecter l’esprit de l’alternance politique », assure Hery Rajaonarimampianina, un soir de décembre 2020, alors qu’il nous rend visite dans les locaux de Jeune Afrique.
Climat « explosif »
Quelques jours plus tôt, alors que nous l’avions plusieurs fois sollicité, il avait enfin répondu par la positive, se proposant de braver le confinement pour venir jusqu’au 57 bis rue d’Auteuil. À l’heure dite, il est fidèle au rendez-vous, impeccablement sanglé dans son pardessus en laine épaisse, arborant le même sourire un peu crispé que sur ses affiches électorales. Le temps de refuser un café et la discussion s’engage sans attendre, comme si, à 62 ans, Hery Rajaonarimampianina était pressé de rattraper ces dernières années – et content de retrouver la lumière.
Installé en France depuis le mois de février 2019 avec son épouse et ses deux enfants, il se dit lui-même « en réserve de la République » mais continue, malgré la distance, à « suivre très attentivement la vie politique de son pays », qu’il juge « délétère », voire « explosive », après les nombreuses promesses faites par le président Rajoelina et qui attendent toujours d’être tenues. De « la poudre lancée aux yeux de la population », assure-t-il.
Hery Rajaonarimampianina met en avant son propre bilan, pourtant jugé des plus maigres par ses détracteurs. Il insiste sur le retour, durant son mandat, des institutions financières internationales dans son pays, illustré par l’organisation de la Conférence des bailleurs de fonds et des investisseurs de Madagascar à Paris, en décembre 2016.
« Trahi » par Andry Rajoelina
Il rappelle aussi qu’il reste à ce jour le seul président malgache élu à être arrivé au pouvoir, puis à l’avoir quitté, dans le strict respect de la Constitution. Il confirme enfin que, bien qu’il ne soit pas retourné sur la Grande île depuis de long mois, il demeure le chef incontesté du parti HVM et, à ce titre, l’un des principaux leaders de l’opposition malgache, en compagnie d’un autre ex, Marc Ravalomanana.
Il est surprenant de voir un président en exercice ne récolter que 8 % des suffrages »
Les deux hommes se sont d’ailleurs retrouvés, au moment de faire les comptes en novembre 2018, pour dénoncer « les fraudes massives » constatées par leurs camps respectifs lors du premier tour de la présidentielle. « Mes pairs ont été les premiers surpris de voir un président en exercice ne récolter qu’un peu plus de 8 % des suffrages », s’étonne encore aujourd’hui l’ancien chef de l’État.
« Hery », comme continuent de l’appeler les Malgaches, estime avoir été trahi par un Andry Rajoelina qu’il avait remplacé au pied levé en 2013, quand celui-ci a été empêché de se lancer dans la course à la magistrature suprême, et qui ne l’a ensuite « jamais soutenu durant les cinq années au pouvoir ». Malgré l’agacement visible et la colère perceptible, l’heure n’est pourtant pas au règlement de comptes entre les deux hommes.
Possible retour ?
Pragmatique, Hery Rajaonarimampianina préfère pour l’instant laisser son successeur tenter de respecter ses engagements, sans dévoiler ses propres ambitions. Tout juste admet-il « ne pas rester indifférent à la situation de son pays », « développer les relations avec la diaspora en France » et « s’adresser régulièrement et directement aux Malgaches via les réseaux sociaux ».
Il insiste sur les différences entre Andry « qui fait croire » et Hery « qui fait tout court »
Pour l’instant, l’ancien ministre des Finances des années de transition est devenu consultant en stratégie économique et en analyse de risques. Il met à profit « cette première période sabbatique » pour « compléter » ses lectures et donner quelques conférences sur le continent. Hery Rajaonarimampianina a également participé à la mission d’observation envoyée par l’Union africaine (UA) au Togo lors de la dernière élection présidentielle. Il semble vouloir asseoir davantage sa stature diplomatique, son expertise économique étant déjà reconnue.
Il insiste sur les différences entre Andry « qui fait croire » et Hery « qui fait tout court », comme pour mieux se convaincre d’un possible retour dans l’arène politique malgache. Même si pour l’instant, il ne veut pas encore le dire trop fort.
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