Qui veut la peau de Fodé Sylla ?
Bizarre. Fodé Sylla, 42 ans, a quitté, le 9 juin, en fin de journée, les locaux de la police sans qu’aucune charge ait été retenue contre lui dans l’affaire de trafic de stupéfiants pour laquelle il avait été placé en garde à vue pendant deux jours et demi. Il en allait tout autrement, le 7 juin, peu après son interpellation à Montreuil, dans la proche banlieue de Paris, en même temps que sept autres personnes, pour la plupart d’origine sénégalaise, comme lui. Alors que, d’après des témoins, l’ancien président de SOS Racisme n’avait même pas été menotté, une dépêche de l’AFP annonçait, de « source policière », la saisie de trente galettes de crack à son domicile, soit environ 300 grammes de ce puissant dérivé de la cocaïne. De quoi en faire le cerveau d’un vaste trafic puisque chez les autres interpellés, on n’avait retrouvé que quelques dizaines de grammes de cocaïne et d’héroïne.
Largement diffusée sur Internet, l’information a été reprise en boucle, pendant plus d’une heure, par les radios et télévisions d’information en continu. En fin de matinée, une autre dépêche rectifiait le tir. Fodé Sylla n’était plus qu’interrogé et confronté à différents suspects dans le cadre de l’enquête, et peut-être simple usager. Ce qu’ont infirmé les analyses médicales. Mais le mal était fait. Le lendemain, tous les quotidiens, ou presque, ont titré « Fodé Sylla en garde à vue pour trafic de stupéfiants ». Libération, généralement prompt à dénoncer les abus de pouvoir, se contentait de quelques lignes. France Soir s’empressait de rappeler qu’en 1997 Fodé Sylla avait fait condamner Jean-Marie Le Pen pour diffamation. L’allusion n’est pas innocente : la même année était dissous un syndicat baptisé Front national de la police.
Voilà comment, en une demi-journée, une information mal contrôlée – ou orientée – a catapulté dans la rubrique « Faits divers » un membre du Conseil économique et social, troisième Assemblée constitutive de la République. Seul Noir de cet auguste Conseil, Fodé Sylla y siège depuis septembre 2004 aux côtés de personnalités telles que le philosophe Luc Ferry, ancien ministre de l’Éducation, le sociologue Azouz Begag, actuel ministre de l’Égalité des chances, ou encore l’entrepreneur Guillaume Sarkozy, vice-président du patronat français, le Medef, et frère du ministre de l’Intérieur. Fodé Sylla a porté plainte pour diffusion de fausses nouvelles.
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