« Priorité à la lutte contre la pauvreté »

Pour Zeïdane Ould H’Meyda, le ministre du Pétrole et de l’Énergie, la maîtrise des ressources naturelles passe par la formation des hommes.

Publié le 14 juin 2005 Lecture : 5 minutes.

Pour souligner l’importance de l’or noir – autant que les mines et la pêche, les deux autres principales richesses de la Mauritanie, ce secteur mérite sa place au sein du gouvernement -, le président Ould Taya a créé, le 30 mars dernier, le premier ministère du Pétrole et de l’Énergie. À sa tête, il a nommé Zeïdane Ould H’Meyda, 50 ans, auparavant ministre de l’Industrie et des Mines (y compris le pétrole). Ce haut fonctionnaire de l’État se consacre depuis 1982 à la valorisation des ressources du sous-sol mauritanien. Ingénieur de l’équipement, il a étudié à l’université de technologie de Compiègne, en France, formation qu’il a jugé bon de compléter en apprenant les techniques minières en Suède, le management et la stratégie des entreprises aux États-Unis, et en se spécialisant dans la gestion des ressources humaines. Homme de terrain, il a passé une vingtaine d’années au sein de la Société nationale minière de Mauritanie (Snim), cette pépinière de hauts cadres, et les dix dernières au poste de directeur du siège d’exploitation de la compagnie à Zouérate. Expérience qui lui a permis, pendant ses quatre ans à la tête du ministère de l’Industrie et des Mines, de relancer avec efficacité l’exploration minière et pétrolière dans le pays.

Jeune Afrique/l’intelligent : Quelles sont les prévisions de production pétrolière ?
Zeïdane Ould H’meyda : La production du champ de Chinguetti démarrera avec une extraction d’environ 75 000 barils par jour. Les revenus tirés de cette première exploitation seront partagés entre l’État mauritanien et les associés. Une part de ces revenus servira aussi à rembourser les frais engagés pour l’exploration et le développement de ce premier gisement. Des études de développement d’autres champs sont en cours (Oualata, Tevet, Banda, etc.).
J.A.I. : Quels sont les besoins énergétiques du pays ?
Z.O.H. : Les besoins actuels en énergie sont estimés à 600 000 tonnes-équivalents pétrole. Le développement du tissu industriel mauritanien (cimenteries, industries de transformation, etc.) laisse prévoir une explosion de la demande énergétique. Pour l’accompagner, plusieurs scénarios sont envisagés, notamment la remise en état de la raffinerie de Nouadhibou, la construction d’une nouvelle ainsi que de centrales mixtes (diesel/gaz).
J.A.I. : Quels effets en attendez-vous sur le plan des ressources humaines et de l’emploi ?
Z.O.H. : Nous sommes convaincus que la maîtrise de nos ressources énergétiques passe par la formation. Les activités liées au développement du champ de Chinguetti ont déjà créé plus de 1 500 emplois directs, essentiellement dans la logistique. Nous nous attachons à former une main-d’oeuvre spécialisée composée essentiellement d’ingénieurs (géophysiciens, géologues, ingénieurs gisements, financiers), et nous collaborons avec les autres départements en charge de la formation pour que les jeunes apprennent les métiers du pétrole, car la Mauritanie est devenue l’une des destinations privilégiées des explorateurs, notamment en raison de sa sécurité. Quant au secteur tertiaire, en croissance rapide, il devrait engendrer de nombreux emplois, dans des domaines aussi divers que le bâtiment, les travaux publics, les services et le tourisme. Notre objectif est que les sociétés qui s’installent chez nous trouvent toutes les conditions propices pour le faire, y compris une main-d’oeuvre locale qualifiée.
J.A.I. : Quels investissements prévoyez-vous dans le secteur pétrolier ?
Z.O.H. : Beaucoup d’investisseurs s’intéressant à la Mauritanie, nous nous attendons à une intensification de la prospection onshore et offshore, avec les compagnies Woodside, Dana, Brimax, Total et CNPCI.
J.A.I. : Comment seront utilisés les revenus pétroliers ?
Z.O.H. : Les priorités du gouvernement sont la lutte contre la pauvreté, la qualité de l’éducation, le droit à la santé pour tous, en tous points du territoire, et le développement des infrastructures de base : routes, ports, aéroports, écoles, universités, adduction d’eau, électricité, etc.
J.A.I. : Comment améliorer l’accès à l’électricité ?
Z.O.H. : Le taux d’accès à l’électricité se situe actuellement aux environs de 20 % dans l’ensemble du pays, avec une forte disparité entre le milieu urbain (47 %) et le milieu semi-urbain et rural (2 %). Le gouvernement s’est fixé comme objectif de porter la desserte de Nouakchott et de Nouadhibou, les deux plus grandes villes du pays, à 75 % en 2010, contre respectivement 47 % et 61 % actuellement ; dans les autres villes du pays, nous prévoyons de la porter à 50 % en 2010 contre 41 % aujourd’hui.
En ce qui concerne le milieu semi-urbain et rural, le gouvernement a adopté en 2004 la stratégie nationale « Énergie et réduction de la pauvreté », qui prévoit d’alimenter 145 nouvelles localités d’ici à 2010. Associé à d’autres projets comme ceux qui ont trait à l’électrification de la vallée du fleuve Sénégal, ce programme permettra d’accroître de 10 % le taux de desserte en milieu semi-urbain et rural. Compte tenu de ces objectifs, le taux global d’accès à l’électricité devrait atteindre 32 % à l’horizon 2010. Dans ce cadre, 24 chefs-lieux de moughataa [« départements »] devraient avoir du courant avant la fin de l’année 2008, et plusieurs programmes d’extension du réseau sont en cours dans certaines villes du pays.
J.A.I. : Où en est l’électrification dans la vallée du fleuve Sénégal ?
Z.O.H. : Ce projet est une priorité de nos priorités, car le manque d’électricité handicape lourdement le développement de l’agriculture en raison, notamment, du coût d’exploitation prohibitif engendré par l’usage de pompes diesel et des difficultés de conservation et de transformation des produits agricoles, ce qui occasionne beaucoup de pertes pour les agriculteurs. La fourniture d’énergie est indispensable pour atteindre les objectifs du gouvernement en matière de lutte contre la pauvreté. Dans ce cadre, l’électrification de la vallée constitue l’un des programmes majeurs de mon département. Il vise à tisser un véritable réseau national interconnecté à partir de la centrale de Manantali qui dessert notre pays, et nécessitera la mobilisation d’un investissement minimal de 56 millions de dollars. Les lignes de transport et les postes de transformation réalisés en Mauritanie dans le cadre du projet Manantali, fruit d’une coopération exemplaire entre le Mali, le Sénégal et notre pays, permettent déjà de desservir, outre Nouakchott, certains grands centres urbains de la vallée, en l’occurrence Rosso, Kaédi et Boghé. Toujours dans le cadre de ce programme, un premier projet lancé courant 2005 devrait raccorder tous les périmètres agricoles situés dans la zone Rosso-Boghé et alimenter près de 1 400 ménages. Enfin, les études en cours sur l’électrification d’autres axes permettront de fournir du courant dans la quasi-totalité des wilayas [« régions »] de la vallée.

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