Pierre Campredon

Coordinateur du Programme régional de conservation de la zone côtière et marine d’Afrique de l’Ouest (PRCM)

Publié le 14 juin 2005 Lecture : 3 minutes.

La récente découverte de gisements pétroliers au large de la Mauritanie a suscité un regain d’intérêt pour le littoral. Cette zone, longue de 750 kilomètres, est non seulement au centre des programmes d’aménagement du territoire, mais aussi un facteur de coopération sous-régionale. Le Programme régional de conservation de la zone côtière et marine d’Afrique de l’Ouest (PRCM) est chargé de promouvoir le développement durable du littoral de la Mauritanie, du Sénégal, du Cap-Vert, de la Gambie, de la Guinée, de la Guinée-Bissau et de la Sierra Leone. Basé à Nouakchott, le PRCM a été créé en janvier 2004 à l’initiative de l’Union mondiale pour la nature (UICN), du Fonds mondial pour la nature (WWF), de Wetlands International et de la Fondation internationale du banc d’Arguin (Fiba). Il bénéficie aussi du concours financier de la France et des Pays-Bas. Pierre Campredon, coordinateur du PRCM, explique les enjeux de cette expérience originale.

Jeune Afrique/l’intelligent : Pourquoi avoir décidé la mise en oeuvre du PRCM ?
Pierre Campredon : En milieu marin, aucune barrière ne peut entraver la pollution, les migrations des espèces ni l’érosion. Limitée, la protection ne résout pas tous les problèmes, et il faut concevoir la conservation à une échelle plus globale. De nombreuses espèces de poissons – les espèces migratrices – appartiennent à des stocks partagés, mais les pêcheurs aussi se déplacent par-delà les frontières. Les pays de l’Afrique d’Ouest se trouvent confrontés aux mêmes problématiques, aux mêmes besoins quant à la gestion des ressources naturelles et du littoral. Nous avons donc pris la décision de rassembler nos moyens et nos forces pour travailler ensemble. En 2000, une déclaration de politique générale a été signée par les ministres de l’Environnement et/ou des Pêches des pays concernés. Puis il a fallu élaborer une stratégie régionale des aires marines protégées (AMP), concevoir et mettre en oeuvre un programme d’action régional 2004-2008 pour un budget total de 30 millions d’euros, dont plus de la moitié a été réunie à ce jour.

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J.A.I. : Quels sont les premiers résultats du PRCM ?
P.C. : Globalement, nous sommes parvenus à constituer un véritable réseau humain et institutionnel, qui regroupe les représentants des principaux intervenants : politiques, administrations centrales ou locales, associations professionnelles, ONG, chercheurs… Ces acteurs ont créé le Forum côtier d’Afrique de l’Ouest et mis en oeuvre divers plans pour protéger les requins, les tortues, les poissons migrateurs, les mangroves… Depuis, plusieurs AMP ont été créées, notamment au Sénégal et au Cap-Vert. Des actions ont été menées pour promouvoir la durabilité de la pêche artisanale (gestion concertée de populations de poissons communes à la Mauritanie et au Sénégal) et industrielle (renforcement des capacités de négociation des accords de pêche), conforter la protection des espèces emblématiques (tortues marines, requins, lamantins), développer l’écotourisme, former des compétences techniques et scientifiques, et promouvoir une bonne diffusion de l’information.

J.A.I. : Quelles menaces pour l’environnement ?
P.C. : Dans la zone côtière de l’Afrique de l’Ouest, 60 % de la population vit sur une bande littorale de 20 km de large. Là se situent les capitales, les activités industrielles et portuaires, les principales ressources économiques que sont l’agriculture, la pêche, le tourisme et, depuis peu, le pétrole offshore. Cette zone revêt donc un intérêt stratégique. Or on se souvient qu’au Nigeria, le delta du Niger a été en partie sinistré à cause de l’exploitation pétrolière, ce qui a provoqué des crises sociales violentes et des conflits d’intérêts entre les communautés locales et les multinationales. D’où l’importance de maîtriser ces évolutions.

J.A.I. : Une partie des ressources halieutiques de la région est exploitée par des flottes étrangères. Comment limiter les dégâts d’une pêche intensive ?
P.C. : Il est nécessaire que les ressources naturelles soient gérées avec prudence et de manière intersectorielle : les professionnels de la pêche, du tourisme, du pétrole, de l’environnement doivent se concerter pour que leurs activités respectives n’aient pas d’impacts trop négatifs sur les autres. À cet égard, l’Europe a une responsabilité particulière. Une grande partie de la flotte de pêche industrielle dans la région lui appartient. La grande majorité des touristes vient d’Europe. Le pétrole extrait des gisements mauritaniens fournira de l’énergie aux Européens ; il n’est pas jusqu’aux oiseaux migrateurs qui partagent leur existence entre l’Afrique et l’Europe ! Aujourd’hui, les relations entre l’Europe et l’Afrique doivent entrer dans une nouvelle phase. Dans l’intérêt de tous.

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