Objectifs trop ambitieux ?
Malgré les progrès enregistrés, les indicateurs révèlent une situation alarmante, notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation.
La Mauritanie a enregistré d’indéniables progrès grâce au Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP) lancé en 2001, mais elle aura du mal à atteindre, en 2015, tous les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Le taux de pauvreté, calculé sur la base d’un seuil fixé à 67 315 ouguiyas (UM) – 200 dollars – par an, est de 46,3 % en 2000. Seuls 19 % des ménages disposent du courant électrique. Les problèmes d’approvisionnement en eau sont tout aussi importants : si 37 % des ménages disposent d’une source d’alimentation plus ou moins accessible, seuls 15 % sont connectés à un réseau de distribution. À Nouakchott, les dépenses liées à sa consommation représentent 14 % à 20 % d’un budget familial, et 70 % des habitants s’approvisionnent à des bornes-fontaines ou l’achètent aux 5 000 charretiers qui la vendent en bidons. L’accès à l’assainissement reste un luxe, en dehors de quelques grandes villes où une mince frange représentant 10 % des citadins en profite ; sur l’ensemble de la population, seuls 37 % connaissent des conditions sanitaires correctes.
Une éducation de qualité pour tous
Pour dresser un bilan qualitatif rapide du système éducatif mauritanien, rien de mieux que cette remarque faite par le président Ould Taya, le 28 avril à Akjoujt : « Ce qui me préoccupe, c’est de voir se multiplier les opportunités [d’emploi] sans que les Mauritaniens puissent en profiter du fait de leur manque de qualification… » Réputée pour être le « pays aux mille poètes » tant son peuple est amoureux de littérature, la Mauritanie n’en a pas moins un système éducatif inadapté aux exigences du développement. De surcroît, son taux d’analphabétisme frise les 60 %.
C’est pourquoi le président Ould Taya a nommé, en mars dernier, un économiste à la tête du ministère de l’Éducation nationale. Mission de Mohamed Lemine Ould Deidah : réformer rénover, adapter. Jusque-là conseiller économique du Premier ministre après une carrière au ministère du Plan, où il était notamment chargé des privatisations, il considère tout naturel d’être nommé à l’Éducation. « Tout cela concerne la lutte contre la pauvreté et donc l’économie, confie-t-il. Si nous ne nous y préparons pas aujourd’hui, d’autres profiteront des opportunités offertes à notre place. » Pour lui, l’éducation, priorité traditionnelle, prend une dimension nouvelle dans la perspective d’exploitation des richesses naturelles. Il faut que les Mauritaniens se préparent à en tirer bénéfice. Quantitativement, certains des résultats sont bons. Le taux de scolarisation a fortement progressé entre 1994 et 2003. La parité filles-garçons, l’un des Objectifs du millénaire pour le développement, sera atteinte cette année. En 2003, une loi a rendu obligatoire l’enseignement jusqu’à l’âge de 16 ans. Mais la qualité n’est pas encore au rendez-vous. À Nouakchott, tous ceux qui en ont les moyens s’inscrivent dans les écoles privées. Par milliers, les bacheliers qui ont la chance d’obtenir une bourse partent étudier à l’étranger, surtout dans les pays maghrébins. « Je vais m’attacher à réduire les insuffisances en matière de qualité de l’enseignement et donner la priorité à l’enseignement technique. Ces réformes permettront de mieux préparer les générations futures en dispensant aux jeunes les formations nécessaires pour profiter pleinement de perspectives économiques prometteuses. »
Dans le programme de développement décennal de l’éducation qui couvre tous les cycles de l’enseignement, du préscolaire jusqu’au supérieur, des chantiers sont ouverts dans plusieurs domaines – infrastructures, formation des formateurs, enseignement scientifique et technique, langues vivantes, recherche au service du développement dans le supérieur. Jusque-là, la Mauritanie ne comptait que cinq ou six centres d’enseignement technique. « Nous avons l’intention d’en ouvrir de nouveaux avec des programmes qui correspondent aux besoins du pays et plus spécifiquement de certains secteurs. Ce seront des établissements à vocation industrielle destinés à accompagner l’essor économique et les besoins des secteurs émergents, y compris le pétrole, les mines, le tourisme, le bâtiment et les travaux publics, le génie électrique et les services informatiques. » Les enseignants, mal payés, démoralisés, ne seront pas oubliés. « Ma priorité, souligne Ould Deidah, c’est de réhabiliter l’enseignement et de revaloriser la fonction d’enseignant, en améliorant ses conditions de travail. J’y tiens vraiment. »
Santé : rattraper le retard
Mohamed Lemine Ould Selmane, ministre de la Santé et des Affaires sociales, a apparemment la tâche facile, si l’on s’en tient à son profil. Après des études à Rosso, Dakar et à l’université de Madison (États-Unis), où il a obtenu un doctorat en sociologie du changement économique, il a été pendant plusieurs années expert au sein de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et consultant international. Il a aussi été l’une des chevilles ouvrières du plan de lutte contre la pauvreté en Mauritanie. Il est donc particulièrement bien placé pour faire le lien entre santé et pauvreté. Faciliter l’accès des pauvres aux services de santé, dispenser des soins gratuits aux indigents, telles sont les priorités du système de santé mauritanien, qui entreprend de mettre à la disposition des malades les médicaments génériques essentiels au coût le plus bas possible. Avec, pour premiers résultats, l’élimination des grandes maladies comme la polio, la rougeole, le ver de Guinée, la fièvre jaune et les grandes maladies épidémiques. Le taux de mortalité maternelle a diminué, mais reste l’un des plus élevés d’Afrique de l’Ouest, passant de 940 pour 100 000 naissances en 1995 à 747 en 2000. Idem pour le taux de mortalité infantile, passé de 118 à 74 pour 1 000.
Les infrastructures de base se sont développées. En médecine hospitalière, la Mauritanie ne comptait que deux établissements en 1990 ; en 2005, on en compte treize, qui sont équipés de blocs de chirurgie, sans compter l’émergence d’un secteur privé de santé. « J’étais directeur de la Santé publique dans les années 1980, souligne de son côté le docteur Ba Mohamed Lemine, professeur agrégé de cardiologie. Et je me souviens qu’il y avait moins d’un médecin public par région, certaines n’en ayant pas du tout. Maintenant, on en compte une dizaine par région et même plus. » Cependant, 37 % de la population habite à plus de 5 kilomètres d’une structure sanitaire fonctionnelle. Les taux de malnutrition restent élevés : plus d’un tiers des enfants souffrent de malnutrition chronique, un enfant sur dix de malnutrition aiguë. Les infections respiratoires aiguës et les maladies diarrhéiques touchent particulièrement les enfants. Le paludisme représente un réel problème de santé publique dans les zones humides, avec environ 250 000 à 300 000 cas. La tuberculose progresse à raison de 4 000 nouveaux cas par an. Les indicateurs de santé restent particulièrement inquiétants en milieu rural, surtout dans les groupes les plus pauvres et ceux qui disposent d’un faible niveau d’éducation.
« Le bilan est positif, mais des progrès considérables restent à accomplir si l’on veut que la Mauritanie atteigne les Objectifs du millénaire pour le développement en 2015, particulièrement en ce qui concerne la mortalité maternelle et périnatale », souligne un rapport du ministère de la Santé.
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus
- Au Mali, le Premier ministre Choguel Maïga limogé après ses propos critiques contr...
- CAF : entre Patrice Motsepe et New World TV, un bras de fer à plusieurs millions d...
- Lutte antiterroriste en Côte d’Ivoire : avec qui Alassane Ouattara a-t-il passé de...
- Au Nigeria, la famille du tycoon Mohammed Indimi se déchire pour quelques centaine...
- Sexe, pouvoir et vidéos : de quoi l’affaire Baltasar est-elle le nom ?