Objecteurs de croissance
Ils en ont assez du gaspillage, des ravages sur l’environnement, des profits obscènes des multinationales et de l’esclavage publicitaire. Ils ? Une centaine de militants écologistes, qui, le 7 juin, ont quitté Lyon, en France, pour entamer une « Marche pour la décroissance ». Un concept revenu sur le devant de la scène avec le réchauffement climatique, la flambée des prix du pétrole et les menaces croissantes sur la biodiversité.
Pour les tenants de la décroissance, les modes de vie des pays riches sont insoutenables pour le reste de l’humanité, car polluants et dévoreurs de richesses naturelles. La raréfaction des ressources – et avant tout du pétrole -, couplée à l’explosion démographique, impose un changement radical des modes de production et de consommation.
Pas simplement en se réfugiant derrière le très en vogue « développement durable », qui entend répondre aux besoins du présent sans compromettre ceux des générations futures. Ce concept est, selon eux, une « imposture ». Suffisamment flou pour recueillir l’assentiment de tous, il ne fait que cautionner un libéralisme qui ne veut rien changer. Le développement tel qu’il existe est irréconciliable avec la durabilité. Et injuste, car s’opérant au détriment de la majorité de la population mondiale. « Si on généralisait le mode de vie et de consommation européen ou américain à la surface du globe, on aurait besoin de cinq à huit planètes », insistent-ils.
Brisant le mythe d’une croissance durable et la déconnectant du bien-être humain, ils estiment surtout qu’il est impossible de résoudre les problèmes environnementaux par les seuls progrès technologiques. Leurs thèses se fondent sur les travaux de l’économiste américano-roumain Nicholas Georgescu-Roegen, qui, au début des années 1970, a mis au jour la contradiction entre la dégradation inéluctable des ressources naturelles et une croissance matérielle sans limites. En outre, les « objecteurs de croissance » insistent sur l’« effet rebond » des innovations technologiques. Par exemple, l’invention de voitures plus économes en carburant s’est traduite par une augmentation du parc automobile, du nombre de kilomètres parcourus et donc de la quantité globale de pétrole consommée.
Aussi, le seul moyen d’éviter de foncer dans le mur est d’entrer en « décroissance ». Ce qui ne signifie pas la croissance négative ou la récession, mais la transformation de notre modèle économique : produire et consommer moins pour vivre mieux. Se libérer du consumérisme, de la voiture, de la télévision… « Nos sociétés sont de plus en plus malades de leurs richesses, souligne Serge Latouche, professeur d’économie à l’université de Paris-XI. Il faut renoncer à la croyance que « plus » égale « mieux ». » Comme l’écrivait, dans les années 1980, le journaliste André Gorz, il est urgent de « remettre la raison économique à sa place subalterne, c’est-à-dire au service d’une société poursuivant l’émancipation et le libre épanouissement ». Et non l’inverse. Voilà ce qu’appellent de leurs voeux nos généreux utopistes, dont les propositions ont le mérite d’encourager chacun à s’interroger sur son mode de vie.
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