Nouakchott en paraboles

Implantée entre le désert et l’océan, la capitale séduit par ses rues animées, son port, sa plage… et ses habitants.

Publié le 14 juin 2005 Lecture : 3 minutes.

Nouakchott est une capitale maghrébine, certes. Mais inutile de s’attendre à y trouver une médina avec son dédale de rues médiévales ou quoi que ce soit de ce genre. Non, Nouakchott est une ville récente. Sortie de nulle part, sa fondation remonte au 5 mars 1958. Ce jour-là, sa première pierre a été posée. Pour autant, il ne faudrait pas non plus imaginer une ville très contemporaine, avec ses buildings s’élançant vers le ciel. Nouakchott n’est ni une agglomération ultra-urbaine ni une cité antique. Nouakchott a quelque chose d’anachronique et de moderne en même temps.
Bien sûr, l’artère principale est hérissée de panneaux publicitaires vantant les mérites de la communication par SMS ou le sentiment de liberté que procure une cigarette. Mais sur les bancs de ses abribus, ce ne sont pas les Nouakchottois qui attendent, mais des chèvres, qui y prennent des pauses langoureuses lorsqu’elles ne grimpent pas sur les toits des voitures pour mieux atteindre les malheureuses branches d’un arbre rabougri. Bien sûr, ces dernières années, Nouakchott s’est doté de cybercafés. Mais, faute d’ADSL, les connexions y sont d’une lenteur décourageante. Pourtant, les nouvelles technologies s’imposent. Ici et là fleurissent des clubs vidéo où les cinéphiles visionnent des films en DVD sur un écran d’ordinateur. Combien de temps l’unique salle de cinéma de la capitale pourra-t-elle tenir le coup ?
En restant sur l’avenue Gamal-Abdel-Nasser, on atteint le marché Capitale, le centre névralgique de la ville. Pas de trottoirs. Juste du sable et des coquillages un peu partout. L’une des étymologies de Nouakchott – toutes controversées d’ailleurs – est « le terrain où abondent les coquillages ». Et celui à qui vient l’idée de vouloir découvrir la ville à pied sous le cagnard est condamné à marcher dans le sable. Mais, attention ! Sans crier gare, les voitures en quête de raccourcis quittent le goudron pour foncer droit sur le piéton.
Autre carrefour, autre scène du quotidien. Un homme s’allonge à même le sable et plonge sa tête sous sa vieille Renault toute rouillée dans l’espoir de la voir redémarrer. À sa droite, de gigantesques paraboles le narguent insolemment. Ces signes extérieurs de modernité se multiplient au nord de l’artère principale de la ville. Ici l’on entre à Tevragh Zeina, le quartier chic de la capitale, avec ses ambassades, son Centre culturel français, la présidence de la République et les demeures des hauts fonctionnaires. La nuit, on y fréquente le VIP, haut lieu de la vie nocturne nouakchottoise, où les boubous et les melahfas côtoient sur la même piste de danse décolletés et minijupes.
Au sud de l’artère principale de Nouakchott, dans les faubourgs miséreux, des nuées d’enfants courent pieds nus. Au hasard de ses pérégrinations, le visiteur traverse des marchés animés. Et tombe parfois sur des scènes insolites. Par exemple, au milieu du quartier populaire de Rosso El Mina surgit une charrette tirée par un âne et chargée d’une énorme antenne parabolique. Un instantané qui sonne comme une synthèse de Nouakchott. Les habitants des quartiers miséreux survivent sans eau courante, certes, mais pas sans images télévisées venues d’ailleurs.
Comme les villes trop récentes, Nouakchott n’a pas vraiment d’âme. Ses 800 000 habitants lui en tiendront lieu. Ses jeunes Mauresques lovées dans leurs voiles gentiment aguicheurs, ses sans-domicile-fixe, ses vendeurs de cartes téléphoniques, ses rappeurs peuls furieusement rebelles, et puis, surtout, ses impayables taximen qui acquiescent lorsqu’on leur annonce une destination pour se raviser aussitôt et demander : « Mais c’est où, ça ? »
Surtout, ne pas quitter Nouakchott sans avoir exploré son extrémité ouest. Là où le sable du désert se transforme en plage. Le port artisanal est probablement le lieu le plus pittoresque de la capitale. Le meilleur moment pour y aller ? En fin de journée, lorsque les pirogues des pêcheurs regagnent la terre ferme. Le moment idéal pour longer la mer en tournant le dos au Titanic, puisque c’est ainsi qu’a été baptisée l’épave du bateau qui s’est échoué, il y a plusieurs années, sur cette langue de sable. Avec, en fond sonore, le roulement des vagues.

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