Les showmen du développement

L’inusable Bob Geldof organise le 2 juillet, en marge du sommet du G8, une série de concerts géants. Objectif de ce « Live 8 » : convaincre les pays industrialisés d’accroître leur aide à l’Afrique.

Publié le 13 juin 2005 Lecture : 3 minutes.

Imaginons que la musique ait non seulement la vertu d’adoucir les moeurs, mais aussi le pouvoir de sortir tout un continent de la pauvreté… Bob Geldof (51 ans), le « rockeur au grand coeur », n’a pas renoncé à plaider la cause de l’Afrique. Lors d’une conférence de presse le 31 mai à Londres – aux côtés notamment de Jack Lang et d’Elton John -, l’artiste militant irlandais a annoncé la tenue simultanée d’une série de concerts géants à but humanitaire. Le samedi 2 juillet, Londres, Paris, Berlin, Ottawa, Philadelphie, Rome et, peut-être, Tokyo et Moscou accueilleront une pléiade de stars internationales : U2, Madonna, Youssou Ndour, Paul McCartney, Sting et Elton John, parmi beaucoup d’autres.
Baptisée Live 8, la longue marche vers la justice (en référence au G8 et dans un jeu de proximité phonétique entre « aid » et « eight »), l’opération a pour objectif « d’éveiller les consciences » et de convaincre les pays dudit G8, dont le prochain sommet aura lieu du 6 au 8 juillet à Gleneagles (Écosse), d’agir concrètement contre la pauvreté en Afrique. Il s’agira aussi de promouvoir les recommandations de la Commission créée par Tony Blair en février 2004 pour convaincre les pays riches de supprimer les barrières commerciales, de doubler l’aide au développement et d’annuler la dette des pays d’Afrique subsaharienne.
Geldof, qui a soufflé l’idée de cette Commission au Premier ministre britannique, en est aussi l’un des membres les plus actifs. Pressenti à trois reprises pour le Nobel de la paix, il poursuit son combat vingt ans après le Live Aid, l’un des plus importants concerts rock de tous les temps, qu’il organisa simultanément à Londres et à Philadelphie pour venir en aide aux victimes de la famine en Éthiopie (plus de 1,5 milliard de téléspectateurs et 140 millions de dollars de recettes).
Aujourd’hui, « saint Bob » a d’autres ambitions. « La charité ne résoudra jamais vraiment les problèmes, dit-il. Il est temps de promouvoir la justice. » À la différence du Live Aid, le Live 8 sera gratuit, car son but n’est pas de collecter des fonds, mais de sensibiliser le monde et ses dirigeants au problème du sous-développement. Parallèlement aux concerts, la manifestation du 2 juillet comportera une grande marche en forme de « chaîne humaine » entre Londres et Gleneagles. Nelson Mandela devrait y participer. De nombreuses associations altermondialistes appellent par ailleurs à un rassemblement à Édimbourg, la capitale écossaise, où plus de 1 million de personnes sont attendues. Le point d’orgue sera la remise aux dirigeants du G8 d’un rapport sur l’état de l’Afrique. Élaboré par la Commission Blair, celui-ci comporte une série de recommandations destinées à soutenir les programmes de développement.
Pourtant, beaucoup ne cachent pas leur pessimisme. Le président sud-africain Thabo Mbeki, par exemple, souhaite que l’initiative débouche sur un « plan d’action sérieux » et non sur « un tas de paperasserie ». Et diverses ONG ne croient pas une seconde que les écoles et les hôpitaux africains recevront une aide quelconque à l’issue du sommet. De toute façon, les divergences de vues et les conflits d’intérêts entre les grands de ce monde risquent bien de constituer un obstacle insurmontable. Tony Blair a d’ailleurs renoncé à convaincre George W. Bush de participer au projet de Facilité financière internationale (IFF) qui prévoit de doubler l’aide publique au développement d’ici à 2015. « L’IFF ne correspond pas à nos pratiques budgétaires », a récemment rétorqué le président américain. Lors de la visite de Blair à Washington, les 6 et 7 juin, Bush a néanmoins consenti à l’Afrique une rallonge de 674 millions de dollars.
Bref, si la réussite médiatique du Live 8 est quasi assurée, son efficacité politique reste à démontrer. « Il est anormal qu’une partie du monde soit laissée dans la pauvreté. Les dirigeants ont le pouvoir de changer le monde. Ils n’auront la volonté de le faire que si des millions de personnes leur signifient que cette situation a assez duré », martèle Geldof. Ce vertueux appel suffira-t-il à attendrir les décideurs du G8 ? « Imagine », chantait John Lennon…

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