Carlos Lopes : « L’Europe ne tient pas compte de l’avenir de l’Afrique »

Secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, l’économiste bissau-guinéen Carlos Lopes s’oppose aux accords de partenariat en cours de signature avec l’Union européenne.

Carlos Lopes, tenant le dernier rapport de la CEA. © Bruno Lévy/JA

Carlos Lopes, tenant le dernier rapport de la CEA. © Bruno Lévy/JA

Publié le 5 avril 2014 Lecture : 2 minutes.

De retour de Bruxelles où il participait au quatrième sommet Union européenne-Afrique, Carlos Lopes était l’invité du rendez-vous mensuel de RFI et Jeune Afrique. Chantre de l’industrialisation à partir des matières premières locales, cet économiste bissau-guinéen porte de nombreux sujets en haut de l’agenda de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), organisme qu’il qualifie de « boîte à idées du continent » et qui emploie 1 400 fonctionnaires et publie une centaine de rapports par an.

L’intégration régionale

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« Il faut confronter les dirigeants politiques aux faits. Nous allons donc lancer, en 2015, un indice de l’intégration afin de montrer qui sont les premiers et les derniers en matière de coopération régionale. Les chiffres utilisés jusqu’à présent ne concernent que le commerce, c’est insuffisant. Des transactions sophistiquées, comme les services financiers ou le roaming [appels téléphoniques transfrontaliers], n’apparaissent pas dans les statistiques commerciales. »

Bio express

Nommé en septembre 2012 à la tête de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), Carlos Lopes a rejoint l’ONU en 1988.
Cet économiste spécialisé dans le développement et la planification a publié une vingtaine de livres et enseigné dans de nombreuses universités, notamment au Brésil.

Un sommet sur la Centrafrique ?

« C’est vrai que la crise centrafricaine a été le principal objet de débat du sommet de Bruxelles. Cela n’est pas anodin et cela se répète souvent dès qu’il y a un sujet chaud, y compris dans les sommets de l’Union africaine. Mais en coulisses, il y a aussi eu des négociations assez serrées sur les accords de partenariat économique [APE] et, plus largement, sur les questions commerciales, les migrations, le changement climatique et les objectifs de développement post-2015. »

La question des APE

« Ce n’est pas un hasard si on négocie depuis treize ans. L’APE annoncé avec la Cedeao [Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest] pose plusieurs problèmes. Il y aura une aide de l’Union européenne de 6,5 milliards d’euros [pour la période 2015-2020], ce qui est inférieur aux montants actuellement reçus… Ensuite, les productions qui compteront pour le développement africain ne sont pas protégées. Ces accords ne tiennent pas compte de ce que sera l’Afrique dans vingt ans : un continent industrialisé. Enfin, les APE doivent être cohérents entre les différentes sous-régions pour ne pas empêcher le développement d’un marché africain intégré. »

Etats, engagez-vous !

« L’industrie est en recul en Afrique, mais nous sommes actuellement à untournant, avec un engagement nouveau des Etats du continent. Des pays comme l’Ethiopie et le Rwanda, par exemple, ont des taux de croissance supérieurs à  la moyenn africaine, alors qu’ils n’ont pas beaucoup de ressources naturelles. C’est une affaire de détermination politique : ces pays se sont dotés de dispositifs de décision et d’institutions cohérentes qui leur permettent d’avancer. »

Les oubliés de la croissance

« Les petits pays ne s’en sortiront pas sans intégration régionale. C’est l’idée de locomotive : l’Afrique a besoin de pôles de croissance, de grands pays, de grandes villes, reliés aux plus petits par des infrastructures performantes. »

Propos recueillis par Frédéric Maury (J.A.) et Frédéric Garat (RFI) 

Retrouvez l’entretien vidéo en deux parties :


Carlos Lopes : « L’Europe ne tient pas compte de… par Jeuneafriquetv


Carlos Lopes : « Les petits pays ne s’en… par Jeuneafriquetv

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