[Série] En Côte d’Ivoire, une ruée vers l’or contrastée (3/4)
« Les visages du Nord » (3/4). Dans les régions frontalières du Mali et du Burkina Faso, la fièvre de l’or a atteint des proportions sans précédent, bouleversant des équilibres économiques et environnementaux déjà fragiles.
Benjamin a les yeux qui brillent, un vieux maillot de l’Atletico Madrid et les chicots tachetés de noir. Quelques flacons de gin trainent à ses pieds. La terre est ocre, le paysage lunaire. La savane a disparu, remplacée par une immensité de crevasses autour desquelles des silhouettes s’affairent le dos vouté, dans un vrombissement de marteaux-piqueurs. De longs tuyaux s’entremêlent, des tentes ont été dépliées, des souterrains ont été creusés. Combien sont-ils ? Des centaines, peut-être des milliers. Hommes, femmes, enfants. Ils sont maliens, burkinabè, ghanéens, guinéens ou libériens. Ce n’est plus une mine, c’est une ville, avec son économie et ses propres règles.
Une trentaine de chasseurs traditionnels dozos en assurent la sécurité. Leur chef trône à l’ombre d’une grande bâche, engoncé dans un imperméable rouge, une longue dague attachée autour du cou. Plus loin, des femmes préparent du poisson séché. Un homme charge des dizaines de téléphones portables sur une batterie, un autre vend des cigarettes, tandis qu’un forgeron aiguise des pioches. On creuse à plusieurs mètres de profondeur, on passe la terre au détecteur de métaux, on la lave et puis on pèse, les yeux rivés sur la balance, avec l’espoir d’avoir touché le gros lot. C’est la ruée vers l’or. Une course effrénée contre la pauvreté, avec tout ce que le capitalisme dérégulé offre d’opportunités et d’injustices.
La mine de Papara se trouve à une trentaine de kilomètres au nord-est de Tengrela. On est encore en Côte d’Ivoire, mais le réseau Orange vous souhaite déjà la bienvenue au Mali. La frontière est toute proche, à quelques centaines de mètres, épousant les rives de la rivière Bagoé.
Cannabis et tramadol
Dans cette région, la fin de l’année coïncide traditionnellement avec les derniers instants de la récolte du coton. Routes et pistes sont prises d’assaut par de grands camions surchargés. C’est aussi la saison de la transhumance des bovins, qui partent à la recherche de verts pâturages – ils errent par milliers le long des routes. Mais en cette matinée de décembre, des dizaines de motos ont envahi le bitume. Des femmes les ont enfourchées, portant à bout de bras ou sur leur tête de grands bacs et des pelles. Des hommes les suivent avec les détecteurs de métaux.
Bien s’informer, mieux décider
Abonnez-vous pour lire la suite et accéder à tous nos articles
Les plus lus
- Au Mali, le Premier ministre Choguel Maïga limogé après ses propos critiques contr...
- CAF : entre Patrice Motsepe et New World TV, un bras de fer à plusieurs millions d...
- Lutte antiterroriste en Côte d’Ivoire : avec qui Alassane Ouattara a-t-il passé de...
- Au Nigeria, la famille du tycoon Mohammed Indimi se déchire pour quelques centaine...
- Sexe, pouvoir et vidéos : de quoi l’affaire Baltasar est-elle le nom ?