D’où vient le caviar ?

Question posée par Zoé el-Thuraya, Batna, Algérie

Publié le 14 juin 2005 Lecture : 2 minutes.

Pablo Picasso échangeait ses toiles contre du sévruga, Ian Fleming, le créateur de James Bond 007, ne consommait que de l’osciètre, et Madonna préfère le béluga. La consommation des oeufs d’esturgeon, une des gourmandises les plus coûteuses au monde, révèle des personnalités bien différentes et recèle des histoires souvent mouvementées.
L’esturgeon, avec ses vingt-quatre espèces différentes, est apparu dans les mers et les rivières de l’hémisphère nord il y a près de 100 millions d’années. Ce sont les Perses qui, les premiers, commencèrent à en apprécier les oeufs, le caviar, qu’ils dénommaient « biscuit fort » pensant qu’il stimulait leur endurance et leur robustesse. Quelques siècles plus tard, les tsars de Russie assurèrent la renommée de cet or noir en le mettant à l’honneur lors de chaque banquet d’État. L’intérêt pour ce poisson gagne peu à peu les autres cours d’Europe. En Angleterre, le roi Édouard II édicte une loi réservant toute sa pêche à l’aristocratie, tandis qu’en France, Colbert, le grand argentier de Louis XIV, organise la production d’esturgeon dans l’estuaire de la Gironde.
À la fin du xviiie siècle, le caviar se démocratise. Aux États-Unis, les oeufs d’esturgeon sont proposés dans les tavernes ou les saloons comme on le fait aujourd’hui avec les cacahuètes, leur teneur en sel poussant à boire. À cette époque, la production américaine, essentiellement issue de la rivière Delaware dans le New Jersey, est évaluée à 75 tonnes par an. Les chroniques rapportent qu’on trouvait tant d’esturgeons dans la rivière Hudson qu’on avait baptisé le poisson « Albany Beef », autrement dit le steak des pauvres. La Gironde, la mer du Nord et la mer Baltique connaissant les mêmes pêches miraculeuses, le caviar français s’achète 20 centimes le kilo en 1899. Dix ans plus tard, il a doublé, mais ne coûte guère plus que le pain !
Au début des années 1980, les captures annuelles de toutes les espèces approchent encore 30 000 tonnes. Mais, avec la surpêche et le développement de la contrebande, elles sont tombées à 4 000 tonnes dont 3 000 en mer Caspienne. Plusieurs espèces de la mer d’Aral, des côtes japonaises et de l’Adriatique auraient déjà pratiquement disparu de leur milieu naturel. Actuellement, les esturgeons de la Caspienne, qui donnent le sévruga, le béluga et l’osciètre, caviars les plus prisés, sont menacés. L’Iran, premier producteur mondial, a beau produire des alevins et les rejeter en mer chaque année, la contrebande du produit est tellement importante que, si aucune mesure sévère n’est prise, les prix continueront de grimper très sensiblement… À moins que le caviar ne soit relégué au musée des gourmandises oubliées.

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