[Chronique] Ouganda : guerre des nerfs numérique avant la présidentielle

À l’approche d’une présidentielle ougandaise sous tension, Facebook a fermé les comptes de proches du pouvoir. Dans la foulée, l’État a suspendu l’accès à tous les réseaux sociaux…

Glez

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Publié le 12 janvier 2021 Lecture : 2 minutes.

Depuis quelques semaines, les réseaux sociaux, critiqués pour leur lenteur à réagir aux dérapages numériques, font assaut de scrupules. Et les géants de la communication digitale n’épargnent pas les puissants du moment. Ainsi, dans la foulée de l’insurrection contre le Capitole américain, les comptes Twitter, Facebook et Instagram du président des États-Unis ont été tout bonnement fermés ou suspendus. Une véritable « castration » communicationnelle pour un Donald Trump qui avait fait des réseaux sociaux sa martingale afin de galvaniser ses partisans.

D’origine américaine, les chantres de la communication individuelle publique et instantanée ne cantonnent pas aux États-Unis leur traque des contenus politiciens inappropriés. Alors que les Ougandais sont appelés aux urnes jeudi 14 janvier dans une ambiance délétère, Facebook annonçait avoir fermé ces derniers jours plusieurs dizaines de comptes de responsables gouvernementaux. Parmi eux, ceux de Don Wanyama, conseiller en communication du président-candidat Yoweri Museveni, et d’autres liés à une cellule du ministère de l’Information et des Communications, ou d’internautes « influenceurs » proches du parti au pouvoir, le Mouvement de la résistance nationale (NRM).

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Riposte bien rodée

Kezzia Anim-Addo, responsable de la communication du réseau bleu pour l’Afrique subsaharienne, a justifié auprès de l’AFP la mise au ban de ces facebookeurs par la découverte d’un « réseau de comptes et de pages (…) impliqués dans un “comportement inauthentique coordonné” visant à influer sur le débat public en amont de l’élection ». Désinformation, faux comptes, pages dupliquées, construction in vitro et sous couverture d’une popularité artificielle par intrusion dans des groupes ou, au contraire, lancement de polémiques par des techniques de trolls : ces méthodes largement expérimentées en Russie sont désormais connues sur le continent africain. Mi-décembre, Facebook avait déjà supprimé des comptes malveillants et malhonnêtes qui interféraient dans l’élection centrafricaine et dans la transition malienne.

La riposte des autorités ougandaises s’est d’autant moins fait attendre qu’elle est bien rodée. Dans un premier temps, ont fusé des accusations d’« ingérence de forces étrangères » qui tenteraient d’installer « un régime fantoche en Ouganda ». Dans un deuxième temps, par un coup de téléphone manifestement « agressif » – selon une source de l’Agence France-Presse -, puis par un courrier, la Commission ougandaise des Communications a ordonné aux opérateurs internet de « suspendre immédiatement tout accès » à l’ensemble des réseaux sociaux et services de messagerie jusqu’à nouvel ordre.

Réponse du berger ougandais à la bergère Facebook. Dans le collimateur de l’État, se trouvent également une centaine de réseaux privés virtuels (VPN) qui permettent de contourner les interdictions nationales. Et comme pour transformer le mutisme numérique forcé en victimisation fertile, le conseiller Don Wanyama d’ajouter : « vous ne vous débarrasserez pas du président Museveni. »

Bien sûr, les observateurs outrés auraient tort d’oublier que les réseaux sociaux ne sont ni des organes de presse à la ligne éditoriale déontologiquement encadrée ni des pourvoyeurs de services publics. Les impudents bâillonnés pourront crier à la liberté d’expression bafouée. Mais Facebook et ses concurrents auront beau jeu de rappeler le rôle vertueux joué par leurs réseaux dans certains processus électoraux apaisés, facteur de transparence notamment lors d’alternances réussies comme au Sénégal. Certes, l’Ouganda du président qui brigue son sixième mandat n’est pas encore le pays de la Teranga…

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