Babel suisse

Publié le 14 juin 2005 Lecture : 2 minutes.

La Suisse, petite tache blanche au coeur de l’Europe, présente un paysage linguistique étrange du point de vue de Sirius. Sur quelque 7 millions d’habitants, une forte majorité (64 %) s’exprime en suisse allemand mais lit et écrit en allemand. 20 % pratiquent le français, 6,6 % l’italien ; presque 10 % d’autres langues, dont le serbo-croate, mais on ne compte plus que quelque 60 000 locuteurs du romanche. Une légende veut que tous ces gens se comprennent. C’est une illusion. La langue véhiculaire des affaires est l’anglais. Dans les autres domaines, l’indifférence règne.

Les auteurs alémaniques sont absorbés dans le grand ensemble germanique, avec l’Allemagne et l’Autriche, où ils sont reçus à égalité quoi qu’ils en pensent. Diogenes, une des plus grandes maisons de langue allemande, a son siège à Zurich. Les écrivains tessinois sont happés par la Lombardie voisine, en dépit des efforts de quelques éditeurs courageux. Le romanche, qui se subdivise en au moins cinq variantes, est en voie de disparition, même si parfois un beau texte parvient à être édité ou si un groupe de rap tente le sauvetage de cette langue latine.
Les francophones subissent largement l’attrait de Paris. Depuis que Charles-Ferdinand Ramuz a adressé sa lettre à Bernard Grasset, la peur du provincialisme est moins paralysante, mais le rêve de tout auteur reste de trouver une maison française, pour des raisons de diffusion, d’accès aux médias et de prestige. C’est d’ailleurs le cas de beaucoup d’écrivains romands : Jean-Luc Benoziglio, Jacques Chessex, Bernard Comment, Claude Delarue, Yves Laplace, Philippe Jaccottet, Daniel de Roulet et bien d’autres.

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Sur place règne une activité éditoriale importante. Mais les éditeurs crient misère. Les principales maisons – L’Âge d’homme, L’Aire, Bernard Campiche, Metropolis, Zoé – sont toujours sur le fil du rasoir. Pourtant, on écrit et on publie énormément en Suisse romande. Trop, probablement. Les ventes s’effritent. La place dans les médias rétrécit. Une trentaine de petites librairies ont disparu au cours des dernières années. En l’absence de loi sur le prix unique, la Fnac et Payot consentent des rabais que les libraires indépendants ne peuvent assumer.

L’édition littéraire n’est pas viable sans aides extérieures. Elles sont d’ailleurs nombreuses, privées ou publiques, mais toujours insuffisantes. La traduction, indispensable pour maintenir un lien entre les différentes zones linguistiques, est largement subventionnée. Mais la curiosité des lecteurs ne suit pas : les Suisses s’ignorent superbement les uns les autres. Ce qui n’empêche pas une abondante production de romans, de nouvelles et de recueils de poèmes, souvent voués à l’oubli !

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