[Tribune] Industries extractives : la transparence protège (aussi) le business en Afrique

Pour le patron Afrique de l’Itie, la divulgation des accords passés entre industriels extractifs et États améliorera la supervision du secteur.

Des ouvriers travaillant dans une carrière de marbre à Pagala, au nord du Togo. © Knut Neerland/ITIE

Des ouvriers travaillant dans une carrière de marbre à Pagala, au nord du Togo. © Knut Neerland/ITIE

Bady Balde © Knut Neerland/ITIE Bady Balde 
© Knut Neerland/ITIE
  • Bady Baldé

    Directeur exécutif adjoint et directeur pour l’Afrique de l’Initiative pour la transparence des industries extractives (Itie)

Publié le 14 février 2021 Lecture : 3 minutes.

Les projets du secteur extractif peuvent contribuer grandement au budget mais restent sensibles au risque de corruption, réduisant leur impact positif.

À partir du 1er janvier, l’horizon s’éclaircit cependant. Les 26 pays africains mettant en œuvre la Norme Itie devront en effet publier les nouveaux contrats ou les amendements à des contrats existants. Certains pays francophones d’Afrique ont déjà publié des éléments clés d’accords régissant leur secteur extractif. D’autres ont voté des lois permettant leur divulgation. Le gouvernement guinéen dispose d’une loi datant de 2011 exigeant la publication des contrats, accessibles sur un portail gouvernemental. Peu de pays ont en revanche atteint une divulgation exhaustive et systématique des contrats.

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La publication de ce type d’information améliore la supervision du secteur. Au mois d’octobre 2020, un contrat a été publié en RDC portant sur la vente du projet Metalkol – plus de 112 millions de tonnes de cobalt et cuivre – à une entreprise dont le propriétaire serait Dan Gertler. L’ITIE-RDC a joué un rôle essentiel dans l’analyse et la publication du contrat. Les médias couvrant le sujet ont pu avoir accès à l’accord en ligne et l’utiliser pour informer le public.

Effectuer un meilleur suivi

La publication des contrats en RDC a donné lieu à une meilleure compréhension de leurs conditions fiscales. Les contrats liant des entreprises étrangères à des entreprises d’État ont été clarifiés. Il est à présent possible d’effectuer un meilleur suivi des revenus versés par les entreprises extractives aux entreprises d’État et des transferts vers le Trésor.

Les intérêts des gouvernements, des entreprises et des citoyens concernés convergent sur la transparence des contrats. Publier les termes des contrats pour une entreprise lui permet de démontrer facilement qu’elle respecte ses obligations financières et sociales. Diffuser les termes de contrats contribue à aligner les attentes en termes de bénéfices fiscaux potentiels d’un projet extractif. Les accords ont ainsi plus de chances d’être durables. Étant donné la crise sanitaire actuelle et la volatilité des prix en découlant, les renégociations de contrats seront sans doute plus courantes et il est important de prêter davantage d’attention à la stabilité contractuelle.

La major française Total est l’une des premières entreprises à avoir reconnu ces avantages et promu la divulgation des contrats, étant convaincue que celle-ci ne se fait pas forcément aux dépens des intérêts commerciaux. D’autres entreprises partagent cet avis. « Le ciel ne nous est pas tombé sur la tête » avec la publication des contrats admet Tom Butler, PDG du Conseil international des mines et métaux (ICMM), une association regroupant 27 grandes entreprises minières.

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Comparer, analyser, modéliser

Les communautés peuvent également bénéficier de l’accessibilité des informations contractuelles : elle leur permet de comprendre les obligations incombant aux entreprises, dont des mesures de protection de l’environnement, des paiements sociaux, l’obligation d’embaucher local ou de faire appel à des fournisseurs locaux.

La transparence n’est pas la panacée pour lutter contre la corruption, mais son effet dissuasif est significatif

Divulguer les contrats permet de comparer, d’analyser et de modéliser des régimes fiscaux. Compte tenu des incertitudes provoquées par la pandémie de Covid-19 dans le secteur extractif, les gouvernements voient davantage la nécessité d’une modélisation des futurs revenus extractifs, a fortiori lorsque ces revenus représentent une part significative du revenu national.

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La transparence n’est pas la panacée pour lutter contre la corruption, mais son effet dissuasif est significatif. La publication des contrats extractifs décourage les représentants de l’État de conclure des contrats qui seraient contraires aux ou mal alignés avec les intérêts nationaux.

Voilà de bonnes raisons d’aborder avec confiance l’année qui commence. Que les gouvernements mettent ou non en œuvre l’ITIE, il est dans leur intérêt de divulguer les contrats, d’encourager leur analyse et de créer des opportunités de dialogue inclusif sur l’avenir du secteur.

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