Mauritanie : « Il y a moins d’esclaves ici que chez certains de nos voisins »
Le président de la Commission mauritanienne des droits de l’homme, Ahmed Salem Bouhoubeyni, revient pour JA sur son action contre l’esclavage.
Bien qu’officiellement interdit depuis 1981, l’esclavage en Mauritanie demeure un phénomène persistant, pour lequel le pays est régulièrement dénoncé par les organisations internationales et les ONG. Problème : aucun chiffre fiable sur cette survivance n’a jamais été fourni, les estimations des ONG mauritaniennes ou internationales variant de 43 000 à 800 000 personnes asservies, pour une population estimée à 4,4 millions d’habitants.
Dans l’entretien qu’il a accordé à Jeune Afrique, Ahmed Salem Bouhoubeyni, président de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH), explique comment il veut en finir avec la controverse – « stérile » selon lui – entre ceux qui ferment les yeux sur le phénomène et ceux qui l’exagèrent. Ancien bâtonnier de l’ordre des avocats et ex-président du Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU, opposition radicale), il entend fédérer toutes les associations autour du slogan « Esclavage : tolérance zéro », en profitant d’une meilleure écoute du pouvoir politique, lequel a lancé, fin 2019, une délégation générale à la solidarité nationale et à la lutte contre l’exclusion (Taazour).
Jeune Afrique : Quelle est la réalité du phénomène de l’esclavage en Mauritanie ?
Ahmed Salem Bouhoubeyni : Pour sortir du débat stérile entre ceux qui nient le phénomène et ceux qui l’amplifient, au risque de faire de leurs dénonciations non argumentées un fonds de commerce, la CNDH a organisé des « caravanes des droits de l’homme » à travers le pays, dès la fin de 2019, dans le but d’alerter les populations et les autorités sur les cas éventuels. Nos slogans étaient « Esclavage : tolérance zéro » et « Esclavage : tournons la page ».
Nous avons invité toutes les organisations nationales et internationales à nous accompagner. Plusieurs associations crédibles nous ont répondu favorablement, dont l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste, SOS Esclaves, le Flambeau de la liberté, la Fondation Sahel et l’Agence allemande de coopération internationale. Nous avions aussi alerté les corps diplomatiques. Nul n’a pu mettre en doute notre impartialité dans cette lutte contre ce crime contre l’humanité.
Quelles sont vos conclusions ?
Des cas anciens d’esclavage à Néma ont fait l’objet d’un procès au mois de novembre 2019, lors duquel onze personnes ont été condamnées à de lourdes peines. Deux cas présumés ont été soumis à la Commission à Sélibaby, mais il s’est avéré qu’il ne s’agissait pas d’esclavage, mais de travail d’enfants. Nous n’avons pas trouvé les 800 000 esclaves dont parlent certains. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y en a pas, mais qu’on ne dise plus que la Mauritanie est le pays où il y en a le plus.
Estimez-vous injustifiée la stigmatisation dont souffre la Mauritanie dans ce domaine ?
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