Maroc-Israël, Sahara, Covid-19 : ce qu’il faut retenir de notre interview de Saâdeddine El Othmani

Le chef du gouvernement marocain joue cartes sur table et évoque les dossiers chauds du moment.

Saadeddine El Othmani, à Rabat, le 28 mai 2019. © Naoufal Sbaoui pour JA

Saadeddine El Othmani, à Rabat, le 28 mai 2019. © Naoufal Sbaoui pour JA

Publié le 28 janvier 2021 Lecture : 12 minutes.

En 2011, le Maroc adopte une nouvelle Constitution, et les islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD) font leur entrée au gouvernement. Le premier mandat d’Abdelilah Benkirane est haut en couleur : une popularité phénoménale et un franc-parler rafraîchissant… pour un bilan en demi-teinte.

Malgré plusieurs réformes courageuses et impopulaires, Benkirane a déçu : il est resté à l’écart des affaires militaires, diplomatiques et religieuses, et n’a rien fait contre la corruption et l’économie de rente. Finalement, il aura donné le ton : celui d’un parti pragmatique, au nom de sa participation au pouvoir. En ce sens Saâdeddine El Othmani, second chef du gouvernement PJD, nommé en 2017 par Mohammed VI, n’a pas fondamentalement changé la donne. Lui, l’un des fondateurs historiques du Parti de la lampe, également psychiatre et médecin, est réputé pour sa sagesse, sa modération et ses idées progressistes.

De ce chef de gouvernement, on dit souvent qu’il doit « avaler beaucoup de couleuvres ». Certains pointent sa discrétion, interprétée comme de l’inaction. Mais ce serait se méprendre sur le personnage : la fusion de la Ligue de l’avenir islamique (d’Ahmed Raïssouni) avec l’Association Réforme et Renouveau, qui a donné naissance au Mouvement Unicité et Réforme (MUR), base arrière idéologique du futur PJD, c’est lui, en partie. La participation des islamistes aux législatives de 1997, lui encore. En 2003, juste après les attentats de Casablanca, c’est aussi lui qui négocie avec les sécuritaires pour éviter la fin du PJD, avant d’en devenir le secrétaire général un an plus tard. En 2012, son camarade Benkirane le nomme finalement ministre des Affaires étrangères, une grande première, car c’est habituellement le pré carré du roi.

Aujourd’hui chef du gouvernement, ce grand pragmatique a dû signer l’accord rétablissant les relations entre le royaume et Israël, alors qu’il a rejeté, en tant que patron du PJD, une telle normalisation. Une « couleuvre » de plus à avaler ? Entretien.

Jeune Afrique : En août dernier, vous aviez affirmé que le Maroc « rejetait toute forme de normalisation avec Israël ». Entre-temps, le royaume a rétabli ses relations diplomatiques avec l’État hébreu, et vous avez alors évoqué « un choix difficile ». Que vouliez-vous dire par là ?

Saâdeddine El Othmani : Le royaume a deux causes sacrées sur lesquelles le peuple marocain est unanime : sa souveraineté sur l’ensemble du territoire national et la question palestinienne. Quand je m’exprimais en août dernier, c’était pour rappeler la position du Parti de la justice et du développement, qui demeure inchangée.

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Dans la vie des États, certains choix sont difficiles, car ils peuvent apparaitre comme contraire à leurs principes ou portant préjudice à leurs causes suprêmes, et c’est à cela que je faisais allusion quand j’ai parlé de « choix difficile ». Et la décision de la reprise des relations diplomatiques entre le Maroc et l’État hébreu en fait partie. Cela dit, c’est une décision d’État pleinement assumée.

Estimez-vous que la reconnaissance américaine du Sahara marocain par Washington valait cette forme de pragmatisme ?

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Ce que vous appelez pragmatisme est plutôt une décision souveraine du Maroc, fondée sur des principes et des valeurs immuables. La reconnaissance américaine de la souveraineté du Maroc sur son Sahara consolide les nombreux acquis du Maroc dans sa cause nationale et constitue une étape importante dans le processus de résolution de ce conflit artificiel, compte tenu de la place qu’occupent les États-Unis comme sur la scène internationale. Cela change la donne change la donne et pourrait encourager d’autres pays à se montrer favorables à notre cause nationale.

Le PJD ne cesse de rappeler son soutien indéfectible au peuple palestinien et d’exiger de l’occupant israélien de cesser ses exactions

Cette reconnaissance est également suivie par des actes officiels et des actions sur le terrain, dont l’ouverture prochaine d’un consulat des Etats-Unis à Dakhla, qui sera le vingtième consulat dans le Sahara Marocain. Pour le Maroc et les Marocains, c’est une réelle opportunité dans la mesure où cet événement est l’aboutissement et la consécration d’une politique volontariste pour régler un conflit qui n’a que trop duré.

Quel rôle avez-vous joué dans les négociations sur le Sahara et la « normalisation » entre le Maroc, les États-Unis et Israël ?

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