Vices et vertus

Publié le 14 février 2006 Lecture : 2 minutes.

De N’Djamena à Brazzaville, la « nouvelle » Banque mondiale version Paul Wolfowitz est devenue la bête noire des pouvoirs néo (et archéo) pétroliers d’Afrique centrale. Jugeant trop tièdes et trop laxistes les règles d’intervention de son prédécesseur James Wolfensohn, l’ex-numéro deux du Pentagone, que l’on sait très imprégné du messianisme moral consubstantiel au conservatisme américain, a incontestablement durci les conditions d’obtention du label magique de « bonne gouvernance ». Une posture de chevalier blanc directement à l’origine de son bras de fer avec le Tchad d’Idriss Déby Itno, mais aussi en partie des inextricables difficultés rencontrées par le Congo de Denis Sassou Nguesso pour accéder à l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés. Derrière cette attitude intransigeante se cache, à l’évidence, une certaine arrogance à « dire le droit » hors de tout contexte, si ce n’est celui d’une hyperpuissance financière dont les réflexes rappellent irrésistiblement ceux de l’hyperpuissance politique qui abrite le siège de la Banque mondiale. Une certaine hypocrisie aussi : Washington est une ville où les lobbies d’intérêts, anglo-saxons dans leur quasi-totalité, ne ménagent aucun effort pour influer sur les décisions – et la Banque n’est pas l’institution la plus imperméable à leur activisme tous azimuts. Chacun sait ainsi que la BM a servi de caution politique à l’arrivée du consortium conduit par Exxon au Tchad – et que cette dernière entretient avec quelques opposants de fraîche date au président Déby Itno des « relations de travail ». Chacun sait aussi que les « fonds vautours » de créanciers américains qui poursuivent le Congo devant tous les tribunaux du monde en espérant quintupler leur mise de départ – et qui inondent la Banque et les médias de rapports au vitriol sur la galaxie pétrolière congolaise – sont tout sauf des ONG philanthropiques soucieuses de promouvoir la transparence et de combattre l’opacité.
Reste que ces gouvernements, qui subissent de plein fouet cette atteinte à leur souveraineté, seraient plus efficaces dans leur ligne de défense et rendraient plus crédibles ceux qui les aident dans ce combat du pot de terre contre le pot de fer – en l’occurrence, la France de Jacques Chirac – s’ils ne tendaient pas, trop souvent, les verges pour se faire fouetter. Le cas du Tchad est à ce sujet emblématique.
On peut juger léonin, voire « néocolonial », le carcan imposé par la Banque mondiale au régime de N’Djamena. Mais on ne peut ignorer l’usage que le pouvoir en place souhaite faire, sans presque s’en cacher, du fameux « Fonds pour les générations futures » : acheter des armes et rallier les dissidents passés à la rébellion. On peut aussi, à juste titre, estimer que les institutions de Bretton Woods ne font pas montre des mêmes scrupules là où les intérêts géostratégiques des États-Unis sont réellement en jeu – de Bagdad à Pékin, en passant par Kaboul. Mais on ne peut oublier qu’avant de crier au loup et à l’injustice, il convient d’être soi-même vertueux. Surtout quand on est faible.

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