Tunis prépare la riposte

Face à la déferlante chinoise, deux parades : développer le haut de gamme et accélérer la diversification des activités industrielles.

Publié le 14 février 2006 Lecture : 3 minutes.

Avec le démantèlement des accords multifibres (AMF), survenu en janvier 2005, et donc la suppression des quotas d’entrée des produits textiles en Europe, les confectionneurs chinois, disait-on, n’allaient faire qu’une bouchée de leurs homologues nord-africains. Une prophétie lourde de conséquences pour la Tunisie, cinquième fournisseur de l’Europe. La filière textile-habillement y emploie 205 000 personnes, représente 46 % des emplois dans le secteur manufacturier et contribue pour 37 % aux exportations de biens.
De sombres prévisions qui, pour l’heure, ne se sont pas vérifiées. Pas totalement en tout cas. D’après les résultats de l’année 2005, la Tunisie a résisté, même si la croissance de ses exportations textiles a été nettement freinée. La valeur de ses ventes à l’étranger a fléchi de 0,9 % par rapport à 2004. Celle des importations, de 1,1 %. Mais l’année a tout de même été douloureuse. D’après les statistiques officielles, une cinquantaine d’entreprises ont fait faillite. Selon les professionnels, il faut y ajouter une cinquantaine d’autres, pour la plupart étrangères.
Dans le milieu industriel, on se perd néanmoins en conjectures pour expliquer l’inversement de tendance intervenu à la fin de 2005, marqué par le retour des donneurs d’ordres européens. « Depuis juillet 2005, les ordres ne cessent d’arriver, explique un industriel de la région de Monastir. Est-ce conjoncturel, suite à la fermeture provisoire, en juin, des frontières de l’Europe aux importations venant de Chine ? » Plus que jamais donc, le sort du textile-habillement tunisien dépend de la politique de l’Union européenne (UE) vis-à-vis des importations en provenance d’Asie.
La Tunisie importe en tissus, machines et accessoires (le plus souvent d’Europe) pour plus de 75 % de la valeur de ses exportations de vêtements. Et plus de six cents entreprises offshore originaires de France, d’Italie, d’Allemagne et de Belgique réalisent plus de 95 % des exportations du textile habillement. Faut-il s’attendre à les voir partir pour s’implanter en Chine ? « Au début de l’année 2005, déclare un investisseur européen, certains investisseurs étrangers semblaient tentés par le transfert de leurs sites en Chine. Mais ils ont abandonné ce projet. Tout compte fait, on est quand même mieux ici » Et même lorsque la maison mère délocalise en Chine, ou plus généralement en Asie, comme l’a fait le groupe italien Zucchi, propriétaire de Linge Descamps, elle prend soin de conserver son unité tunisienne.
En fait, cela fait longtemps que le créneau du bas de gamme a été perdu au profit de l’Asie. Reste aux Tunisiens un atout : le cycle très court dans le haut de gamme. Les entreprises sont bien placées pour répondre aux spécificités du consommateur européen dans le créneau du « réassort de proximité », consistant à suivre quasi instantanément les caprices de la mode. Dès lors, la question du prix de la main-d’uvre n’est plus qu’un facteur parmi beaucoup d’autres. La proximité géographique, la facilité des dessertes aériennes, routières et maritimes, l’abondance de ressources humaines bien formées, la maîtrise de la langue française et le fait que la Tunisie offre une qualité de vie méditerranéenne jouent un rôle important aux yeux des investisseurs venus d’Europe.
Cependant, malgré ces atouts, le constat est sévère. Car si les exportations n’ont subi qu’une légère baisse en 2005, la décennie précédente était plutôt habituée à une croissance moyenne de 8 % par an. Les entrepreneurs restent donc prudents. Surtout que, au Maroc, autre grand exportateur de textile-habillement, la baisse était, à la fin d’octobre 2005, de 8 % pour les exportations de vêtements et de 14 % pour la bonneterie. Face à cette réalité, les responsables de l’économie ne voient qu’une solution : accélérer la diversification des activités industrielles pour réduire la dépendance au textile.

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