Formation, électricité et réseaux : les trois clés de la digitalisation en Afrique de l’Ouest
Selon un rapport de l’Union africaine et de l’OCDE, un virage en faveur du digital est indispensable pour réussir le développement de l’Afrique de l’Ouest.
En obligeant à produire, vendre et étudier à distance, la pandémie de Covid-19 a fourni un argument de poids à l’Union africaine (UA) et à l’Union européenne (UE) pour pousser le continent à accélérer son virage en faveur du digital. Le Département des affaires économiques de la Commission de l’UA et l’OCDE ont ainsi publié, le 19 janvier, un rapport sur les dynamiques de développement en Afrique intitulé « Transformation digitale et qualité de l’emploi », un vigoureux plaidoyer pour jouer à fond et vite la carte du numérique.
Ses auteurs estiment que les gains de productivité et la valeur ajoutée que celui-ci apporte sont indispensables pour réussir le développement projeté par « l’Agenda 2063 », visant à transformer l’Afrique en puissance mondiale de l’avenir, et offrir aux dizaines de millions de jeunes arrivant sur le marché du travail un emploi stable et rémunéré. La transformation digitale améliore la gouvernance des entreprises et, surtout, augmente de 20 % leurs profits en moyenne.
Freins à la digitalisation
L’Afrique ne part pas de rien : 640 pôles technologiques y ont déjà fleuri et 500 entreprises y offrent des services numériques de financements. Un des chapitres du rapport consacré à l’Afrique de l’Ouest met en lumière ses forces et ses faiblesses tout à fait représentatives de l’état du continent en matière de digitalisation.
L’Afrique de l’Ouest est dotée de 142 technopoles, tel le Village des technologies de l’information et de la biotechnologie en Côte d’Ivoire. Des incubateurs comme Jokkolabs (Sénégal, Côte d’Ivoire, Mali, Burkina Faso, Bénin, Gambie) procurent par ailleurs locaux et appuis aux jeunes créateurs de start-up.
Nollywood, au Nigeria, s’est hissé à la deuxième place mondiale des producteurs de films derrière Bollywood, en Inde. La raison de sa réussite ? Près de 90 % de ses 3 milliards de dollars de revenus sont réalisés grâce à Internet.
Les statistiques confirment toutefois les freins qui empêchent la digitalisation de prendre son essor en Afrique de l’Ouest. Plus de la moitié des jeunes qualifiés ne possèdent pas les compétences requises pour travailler dans le numérique.
Moins de 5 % des ménages possèdent un ordinateur, alors que 41,5 % de sa population ont accès à un réseau mobile. À peine 24 % de ses entreprises ont créé un site internet. Le commerce électronique butte aussi sur une logistique difficile : selon le Boston Consulting Group, entre 30 % et 40 % des produits commandés par internet y sont retournés, car leur destinataire n’a pu être trouvé.
Former, raccorder, investir, protéger
Trois préconisations ressortent du rapport. La première concerne la formation. Le système éducatif doit orienter plus d’élèves vers les matières scientifiques et techniques. Le développement de l’enseignement à distance est un bon outil pour donner aux élèves des zones rurales le goût du digital.
Il serait aussi indispensable d’établir des passerelles entre l’enseignement général et l’enseignement technique. Sur le modèle imaginé en Côte d’Ivoire, un partenariat école-entreprises permettrait de définir et de diffuser les compétences requises dans les filières en cours de digitalisation.
La deuxième préconisation est tout aussi basique puisqu’elle s’attache à l’électricité, sans laquelle rien de numérique ne peut fonctionner. Pour raccorder 48 % des Africains de l’Ouest qui n’en profitent pas, le rapport propose notamment de s’inspirer de l’exemple du projet Akon Light, qui apporte de l’électricité solaire à des millions de personnes. Il suggère de limiter les monopoles de production et de distribution en libéralisant le secteur énergétique, comme l’a fait le Nigeria avec profit.
Le troisième conseil est évidemment « d’investir massivement dans les infrastructures de communication ». La couverture complète de la région en 4G d’ici 2025 exige 3,1 milliards de dollars.
Enfin, « un déploiement plus important de l’infrastructure terrestre de fibres optiques, notamment des points d’échange Internet et des centres de données, ainsi que des câbles sous-marins reste un levier important pour réduire la fracture numérique ».
Il restera à assurer la sécurité numérique contre la cybercriminalité, seuls le Bénin, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Sénégal et la Gambie ayant adopté des textes législatifs protégeant l’ensemble du secteur, à savoir les transactions électroniques, les consommateurs, les données échangées et la vie privée.
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