Tant pis pour les victimes du ferry !

Publié le 14 février 2006 Lecture : 2 minutes.

« Le président a ordonné l’ouverture immédiate d’une enquête sur les circonstances du drame pour en empêcher la reproduction. » La formule se répète dans le monde arabe au rythme des incidents tragiques dans cette partie du monde. Au-delà de l’effet d’annonce sans doute recherché, aucune investigation de ce genre n’a cependant abouti. Jamais on est parvenu à établir les causes réelles d’une catastrophe et encore moins à en déterminer et punir les responsables. Hélas, le naufrage du ferry égyptien Al-Salam, dans la nuit du 2 au 3 février, qui s’est déjà soldé par un millier de morts ou disparus, n’échappera probablement pas à cette funeste règle scrupuleusement observée aux quatre coins du monde arabe.

Au cours des dernières années, le pays des Pharaons a été le théâtre de catastrophes aussi spectaculaires qu’affligeantes : crash d’avions, incendie d’un train, naufrage d’un autre ferry et incendie d’une grande salle de spectacles très courue au plein centre du Caire. Les responsables gouvernementaux autant que les médias s’en étaient émus. Mais, jusqu’à présent, aucune enquête n’a établi, avec la clarté et la rigueur de mise en pareilles circonstances sous d’autres cieux, les défaillances ou les lacunes à l’origine de chaque drame. Ainsi, les responsabilités aussi bien pénales que politiques sont-elles à jamais occultées.

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Dans les rares cas où des commissions d’enquête ont été mises sur pied, les résultats furent maigres et décevants : soit l’on se contente de nous donner une fausse relation des faits, destinée plutôt à nous désinformer, soit on attrape précipitamment un bouc émissaire sur lequel on se défausse de tout avant de l’égorger.

Dans les pays de tradition démocratique où l’on ne badine pas avec la vie humaine, le suivi et la gestion de ce genre d’affaires peuvent faire ou défaire les gouvernements. Les enquêtes sur des drames semblables sont confiées à des personnalités connues pour leur intégrité, leur indépendance d’esprit et leur sens élevé des responsabilités. Chez nous, les enquêteurs sont désignés sur la base de critères tout simplement contraires. Souvent très malléables, ils ne peuvent mettre en cause aucun organisme administratif par crainte de susciter des interrogations sur l’implication éventuelle du sommet de la hiérarchie. Les clans et les réseaux tentaculaires du pouvoir auxquels n’échappe aucun secteur de l’activité sociale sont « intouchables ».

Dans ces circonstances, ceux qui sont investis de la mission de mener une enquête sont toujours tenus d’épargner non seulement les responsables proches du chef de l’État mais aussi les membres de leurs familles ainsi que tous les alliés et clients du régime. Tant pis pour les victimes et tant pis pour l’État de droit !

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