Petites trahisons entre amis

Musharraf juge « limitée » la stratégie antiterroriste de Bush.

Publié le 14 février 2006 Lecture : 2 minutes.

Depuis le 11 septembre 2001, le Pakistan de Pervez Musharraf est pour les États-Unis un allié essentiel. Hier, l’administration Bush avait besoin de lui pour bousculer les talibans et détruire les sanctuaires d’al-Qaïda en Afghanistan. Aujourd’hui, elle ne peut s’en passer pour poursuivre la traque d’Oussama Ben Laden, d’Ayman al-Zawahiri et des autres, lesquels n’ont, semble-t-il, pas trouvé de meilleur refuge ailleurs. Pour obtenir l’alliance du Pakistan, les États-Unis n’ont pas rencontré de problème majeur : Musharraf n’avait pas le choix. Arrivé au pouvoir en octobre 1999 par un putsch, celui-ci héritait d’une situation catastrophique et n’était pas très fréquentable. Grâce au 11 Septembre, il est devenu un allié apprécié voire indispensable.
Pour être forte et stratégique, l’alliance avec Washington n’exclut pas, côté pakistanais, calculs, omissions et petites trahisons. C’est que les intérêts des deux pays ne se recoupent pas toujours. Engagé aux côtés des Américains dans la guerre contre le terrorisme, Musharraf se doit de compter avec le pays réel, dont ?les sympathies vont davantage à Ben Laden qu’à Bush.
On l’a bien vu à la mi-janvier, lors de l’opération de Damadola, aux confins pakistano-afghans. Les missiles tirés à partir des drones de la CIA étaient censés éliminer Zawahiri. Ils ont fait dix-huit morts : des femmes, des enfants, trois ou quatre seconds couteaux d’al-Qaïda, mais de Zawahiri, point. Confronté à la colère et l’indignation de la population, Musharraf a été contraint de convoquer l’ambassadeur des États-Unis pour protester. Dans la foulée, il a reçu une journaliste de Newsweek (édition du 6 février). Ses propos tout en nuances reflètent l’ambivalence des relations entre Washington et Islamabad. Certes, le général-président condamne le raid américain, mais du bout des lèvres. La souveraineté pakistanaise, explique-t-il, est tout autant violée par les « étrangers d’al-Qaïda » que par les drones américains. En cas de présence avérée de Ben Laden, une coordination entre Américains et Pakistanais est-elle envisageable ? « Nos moyens ne sont pas ceux des États-Unis, mais cela ne signifie pas que nous autorisons ces derniers à opérer au Pakistan. » Trouvera-t-on un jour Ben Laden ? « Possible, mais c’est très difficile. » Les Américains s’impatientent ? Normal, ils ne connaissent pas l’environnement : « Des montagnes qui atteignent 4 500 m, pas de voies de communication, une population plutôt complice » Les États-Unis comprennent-ils le monde musulman ? Pas vraiment, leur approche comporte des approximations, des « trous ». Au moins, Bush a-t-il raison de vouloir éliminer al-Qaïda ? « L’objectif est correct, mais limité, car l’action militaire n’est pas une fin en soi », commente le général. Elle permet simplement de gagner du temps avant de s’attaquer aux problèmes de fond, ceux qui sont à l’origine du terrorisme. Autrement dit : « l’extrémisme est dans les têtes et il exige une tout autre stratégie ». Ben Laden et Zawahiri sont devenus des symboles, le monde ne sera pas parfait après leur élimination. « Pour l’amour du Ciel, essayons de voir plus loin ! » lance alors Musharraf, comme s’il s’adressait à Bush.

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