Maillon faible

La découverte du pétrole a entraîné une chute des exportations. Le gouvernement s’efforce d’y remédier.

Publié le 14 février 2006 Lecture : 3 minutes.

Malabo, fin janvier. Le supermarché Martinez Hermanos du centre-ville vient d’ouvrir ses portes. Les premiers clients affluent déjà et longent les rayonnages où s’entassent poisson congelé, boîtes de conserve, fruits et légumes. Aucune frénésie d’achat : chacun prend son temps, examine avec soin les étiquettes. La plupart des produits viennent d’Europe, d’Asie ou du Cameroun voisin, et les prix s’en ressentent. « Nous payons le litre d’eau minérale 500 F CFA alors qu’ici elle coule à flots à longueur d’année », se désole Joachim, un Camerounais employé dans le tertiaire. Ici, il achète de la viande rouge 5 000 F CFA le kilo au lieu de 2 000 F CFA dans son pays, et jusqu’à 2 500 F CFA le kilo de tomate, qui coûte trois fois moins cher sur les marchés de Douala. Que ce soit à Malabo ou à Bata, la vie est chère et une bonne partie du budget des ménages passe dans l’alimentation. « Avec le pétrole, les jeunes ont délaissé l’agriculture et la pêche pour aller travailler sur les plates-formes. De plus en plus, la Guinée importe des produits de base. Le marché international fournit plus de 5 000 tonnes de riz par an, 10 000 tonnes de blé et des quantités importantes de viande de poulet », précise un cadre du ministère de l’Agriculture.
Naguère florissante, la production agricole se limite désormais à la consommation des ménages. Le pays exporte à peine plus de 3 000 tonnes de cacao, très loin des 30 000 tonnes réalisées au début des années 1970, avant que le président Francisco Macias Nguema ne décide, dans un accès de paranoïa sécuritaire, de renvoyer tous les travailleurs nigérians, estimés à l’époque à 30 000 individus. L’agriculture d’exportation connaît alors un brutal coup d’arrêt. Aujourd’hui, plus de 60 % de la population vit encore en milieu rural. Si la plupart des familles possèdent leur jardin potager, la FAO (Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation) ne dénombre pas plus de 100 000 « vrais » paysans dans le pays.
« Les cultures orientées vers la vente ont du mal à se développer. Très longtemps, le mauvais état des routes a empêché les productions de gagner les centres de commercialisation. Et la prédation des forces de l’ordre entraînait une telle escalade des prix qu’il valait mieux importer », explique un expatrié espagnol installé à Bioko depuis dix ans et qui met en uvre divers projets de relance de l’agriculture et de l’élevage. Pourtant, le pays dispose d’incontestables atouts : des pluies abondantes et des terres volcaniques particulièrement fertiles, notamment sur l’île de Bioko. Mais surtout, les revenus de la manne pétrolière, qui permettent aujourd’hui d’envisager les investissements nécessaires en matière d’infrastructures, d’aménagement et de formation des paysans.
Les autorités, de concert avec la FAO, ont identifié plusieurs pistes potentielles de développement comme les cultures d’exportation (café et cacao), le maraîchage, les productions animales (aviculture et petit élevage) et la pêche. Une trentaine de coopérants cubains sont actuellement déployés en milieu rural pour appuyer les producteurs maraîchers et les éleveurs. « Malheureusement, les financements étatiques ne sont pas réguliers, si bien que les projets démarrent, puis, d’un coup, se mettent à végéter », se plaint un agronome étranger. Pourtant, les besoins sont bien réels. « Nous sommes submergés de demandes de financement émanant des agriculteurs, mais aussi des gouverneurs de province, des chefs de district et des délégués provinciaux à l’agriculture », indique-t-on au siège de la représentation de la FAO, à Malabo. Depuis 2004, le gouvernement subventionne et achète une partie de la production vivrière nationale, ce qui a permis de doper les activités, et la commercialisation des produits s’améliore grâce au réseau routier. De leur côté, quelques hauts fonctionnaires ont lancé des fermes avicoles sur la partie continentale. Mais beaucoup reste à faire : la production demeure essentiellement artisanale, la formation inadaptée, le matériel obsolète, les intrants peu disponibles, le système de statistiques inopérant et les tracasseries administratives trop nombreuses.

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