Du pétrole au gaz

Face au ralentissement de la production de brut, les autorités misent sur la découverte de nouveaux gisements.

Publié le 14 février 2006 Lecture : 5 minutes.

« On trouve de plus en plus d’eau lors des extractions sur le champ pétrolifère de Zafiro. » L’éventualité d’une raréfaction de la principale source de revenu de l’État équatoguinéen est de plus en plus souvent évoquée dans les cercles économiques et diplomatiques. La compagnie américaine ExxonMobil n’a pas – pour l’instant – prévu d’arrêter son exploitation sur ce site offshore découvert en 1995, à une cinquantaine de kilomètres au large de l’île de Bioko. Mais la production du groupe n’atteindrait plus que 255 000 barils par jour (b/j), dont l’essentiel provient de Zafiro. Les exportations devraient se monter, selon les derniers chiffres du ministère des Mines, de l’Énergie et de l’Industrie, à 367 000 b/j en 2005 au lieu de 380 000 b/j prévus initialement.
« Les pétroliers américains tablent sur vingt années d’exploitation avec une diminution progressive des extractions de brut qui serait comblée par le développement des champs gaziers », explique un diplomate européen. À moins que l’on découvre d’ici là de nouvelles réserves de brut.
Le vice-ministre des Mines, de l’Énergie et de l’Industrie, Gabriel Mbegha Obiang Lima, s’y emploie. Ces deux dernières années, il a préparé l’entrée de nouveaux opérateurs dans l’exploration. Le brésilien Petrobras a annoncé le 11 janvier avoir obtenu le feu vert du gouvernement pour prendre 50 % des parts d’une concession dans le bassin du fleuve Muni entre 500 et 2 200 mètres de profondeur. La compagnie est associée au groupe Chevron (22,5 %), opérateur principal du bloc L, aux côtés d’Amerada Hess (12,5 %), d’Energy Africa Equatorial Guinea (10 %) et de Sasol (5 %). Et dispose d’une option pour devenir l’opérateur qui remplacerait Chevron en cas de découverte exploitable. Le bloc L est situé à proximité du bloc G, opéré par Amerada Hess, sur lequel huit gisements ont été découverts. Le premier forage est prévu en 2006.
Par ailleurs, des lettres d’intention auraient été signées en octobre entre Pékin et Malabo lors de la visite du président Obiang Nguema en Chine. La Sinopec pourrait entamer des recherches dans les prochains mois. Actuellement, plusieurs grands groupes sont en phase de recherche, notamment le malaisien Petronas, le nigériano-norvégien Energy Equity Resources (EER) et l’espagnol Repsol. Mais seul ExxonMobil a récemment annoncé une découverte mineure sur le bloc C, qui ne devrait pas dépasser les 10 000 b/j. Amerada Hess, qui produit actuellement 50 000 b/j sur le champ de Ceiba, devrait atteindre les 110 000 barils avec l’entrée en exploitation du champ d’Okoumé. La troisième compagnie américaine, Marathon Oil, extrait, quant à elle, 75 000 b/j de condensat et GPL (gaz propane liquéfié).
Avec des réserves estimées à plus de 40 milliards de mètres cubes, les majors américaines se sont lancées dans la production de GPL, de méthane et de condensat (dérivés du gaz), et le gaz apparaît comme une solution d’avenir. Il est produit essentiellement par l’américaine Atlantic Methanol Production Company (AMPCO), dont le capital est détenu, à hauteur de 45 % chacune, par Noble Energy Incorporation et Marathon Oil Corporation, Guinea Equatorial Oil and Gas Marketing (Geogam) s’attribuant les 10 % restants. L’exploitation de nouveaux champs devrait permettre d’atteindre 250 000 b/j en 2006 et la création de plus de 2 000 emplois est envisagée d’ici à 2007, notamment sur l’unité de production de gaz liquéfié de Punta Europa, près de Malabo. Ce complexe industriel comprend déjà l’usine d’Atlantic Methanol, inaugurée en juin 2002. Unique en Afrique, cette unité de transformation assure une production quotidienne de 2 500 tonnes, entièrement exportée vers les États-Unis et l’Europe. Le pays a également créé en janvier 2005 la Société nationale de gaz (Sonagaz), chargée « du traitement, de la distribution, du marketing, du transport et de l’exportation » des hydrocarbures gazeux en Guinée équatoriale. Elle s’est récemment vu confier la construction d’un gazoduc reliant le champ de Zafiro au site de Punta Europa. Un projet d’un montant de 200 millions de dollars et qui pourrait être financé par la Banque mondiale. Par ailleurs, l’américaine Noble Energy a découvert un gisement gazier offshore à une trentaine de kilomètres au large de la capitale qu’elle devrait exploiter conjointement.
Globalement, les revenus des hydrocarbures représentent 90 % du budget de l’État. Mais la nouvelle richesse du pays ne profite pas à tous de la même manière, les grands gagnants étant les pétroliers texans. « Les premiers contrats de partage étaient outrageusement avantageux pour les compagnies américaines. Les intérêts de l’État n’étaient que de 3 % sur le champ d’Alba et de 5 % dans ceux de Zafiro et de Ceiba », indique-t-on au ministère des Finances. Aujourd’hui, le pays a retrouvé le sens de la négociation et réussit à imposer des prélèvements de plus en plus importants. Le système actuel prévoit des royalties comprises entre 10 % et 16 % de la production, une participation de l’État dans l’activité – nulle en début d’exploitation, de 50 % en fin de vie du champ – et le reversement de 15 % des bénéfices au lieu de 3 % dans les années 1990.
Les autorités ont engagé un bras de fer avec Marathon Oil pour augmenter les revenus de l’État sur les champs exploités par la compagnie. Par ailleurs, elles ont promulgué un décret pour que les compagnies étrangères ouvrent leur capital à Gepetrol. Ce qui n’est pas du goût des groupes américains, qui opposent pour le moment un non catégorique. « Globalement, 75 % du chiffre d’affaires de l’activité pétrolière va encore aux majors, contre 25 % à l’État. Mais, avec l’entrée en production des nouveaux champs, la part étatique devrait monter à 40 % », indique-t-on au ministère des Finances.
Le pétrole a permis d’augmenter fortement le PIB annuel par habitant, qui s’élève à 5 900 dollars. Toutefois, le FMI signale que l’écart entre une petite élite et la majeure partie de la population s’est encore creusé. Selon l’institution, 80 % de la population vit dans la plus grande pauvreté.
Depuis la publication par une commission du Sénat américain d’un rapport révélant le virement d’une partie des revenus pétroliers sur des comptes ouverts au profit de particuliers, les autorités ont transféré leurs ressources sur les comptes de la BEAC (Banque des États de l’Afrique centrale) et d’autres établissements internationaux par souci de transparence. Pour améliorer son image, Malabo a également repris langue avec le FMI et manifeste son souhait d’adhérer à l’Initiative sur la transparence dans les énergies extractives. Une volonté qui devra être concrétisée sur le terrain. La Guinée équatoriale disposerait de plus de 1 000 milliards de F CFA de réserves constituées grâce aux revenus pétroliers. Les bailleurs de fonds et l’opposition attendent que cette enveloppe soit utilisée à bon escient pour développer le pays et enrayer la pauvreté.

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