Ben Laden attaché de presse

Quand le chef d’al-Qaïda assure le succès du livre d’un activiste américain d’extrême gauche.

Publié le 14 février 2006 Lecture : 2 minutes.

Vieux militant d’extrême gauche aux allures de professeur à la retraite, William Blum, 72 ans, est aujourd’hui un phénomène d’édition. Grâce à Oussama Ben Laden. Dans une vidéo diffusée par la chaîne qatarie Al-Jazira, le 19 janvier, le chef d’al-Qaïda avait en effet recommandé la lecture de son dernier livre, Rogue State : A Guide to The World’s Only Superpower (publié en français par L’Aventurine sous le titre L’État voyou) à tous les Américains désireux de comprendre pourquoi leur pays compte autant d’ennemis à travers le monde.
Du coup, Blum est devenu une vedette. Les articles qui lui ont été consacrés ne se comptent plus, les interviews qu’il accorde aux médias internationaux (BBC, Reuters, chaînes de radio, etc.) non plus. Son modeste studio de Washington évoque désormais une salle de presse : son téléphone sonne sans discontinuer et les messages électroniques affluent. Pourtant, lors de sa parution, en 2002, L’État voyou était passé largement inaperçu et n’avait été tiré qu’à deux mille exemplaires. Seul Noam Chomsky, l’icône intellectuelle de l’extrême gauche, l’avait salué comme « de loin le meilleur livre sur le sujet ».
Ancien diplomate, Blum a quitté le département d’État en 1967. Parce qu’il était opposé à la guerre du Vietnam. Depuis, il ne cesse de dénoncer (notamment dans Anti-Empire Report, la lettre mensuelle qu’il publie) les « crimes » perpétrés par son pays à l’étranger. Dans son livre, il concède que les attentats du 11 septembre 2001 orchestrés par Ben Laden étaient « injustifiables ». Mais il y voit quand même une forme de représailles « compréhensibles ». Concernant son célébrissime « attaché de presse », ce fils d’immigrés juifs polonais estime que « lui et moi partageons une rancur profonde envers certains aspects de la politique étrangère américaine ».
Près d’un mois après, L’État voyou poursuit son ascension dans le classement des meilleures ventes de la librairie en ligne amazon.com. Parti du 205 000 rang, il est actuellement seizième et devance la réédition très médiatisée du célèbre Choc des civilisations de Samuel Huntington (27e). Common Courage Press (CCP), son éditeur américain, s’abstient de donner une estimation précise des ventes, mais ne conteste pas l’existence d’un « effet Ben Laden ». Rogue State et Killing Hope (traduit en français par Les Guerres scélérates), un précédent brûlot de William Blum, ont tous deux été vendus à plus de 150 000 exemplaires, dont 100 000 aux États-Unis.

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