Africa CEO Forum : Essai transformé

Le deuxième Africa CEO Forum, forum panafricain des dirigeants de grandes entreprises organisé par le Groupe Jeune Afrique, la Banque africaine de développement et Rainbow Unlimited, s’est tenu du 17 au 19 mars 2014. Plongée dans les coulisses de cet événement.

Les organisateurs ont annoncé que le prochain Africa CEO Forum se tiendra en Afrique. © Eric Larrayadieu/JA

Les organisateurs ont annoncé que le prochain Africa CEO Forum se tiendra en Afrique. © Eric Larrayadieu/JA

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Publié le 2 avril 2014 Lecture : 6 minutes.

Costume soigné, écharpe autour du cou, barbe blanche finement taillée, Gervais Koffi Djondo avance à pas hésitants, appuyé sur sa canne. L’homme d’affaires togolais, cofondateur de deux des plus emblématiques aventures entrepreneuriales du continent, Ecobank et Asky Airlines, s’approche du micro. Recevant pour cette dernière le trophée de « meilleure entreprise africaine de l’année », celui qu’on appelle le Doyen – et dont la vivacité d’esprit est inversement proportionnelle à ses difficultés de déplacement – remercie un à un ses partenaires d’affaires.

« La femme d’affaires africaine » aura bien marqué l’édition 2014 de l’ACF.

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Puis il salue, avec insistance et à la surprise de tous, « la femme africaine », celle qui doit être un atout pour propulser les économies du continent. Hasard de ce 18 mars au soir sur les bords du lac Léman, c’est l’une d’elles qui est couronnée quelques minutes plus tard. Daphne Mashile-Nkosi, militante noire devenue patronne d’une entreprise minière (un double exploit dans un secteur dirigé par des hommes blancs), décroche le titre convoité de « PDG africain(e) de l’année », au milieu de personnalités aussi prestigieuses qu’Issad Rebrab (Cevital), Abdeslam Ahizoune (Maroc Télécom), Bob Collymore (Safaricom), Yerim Sow (Teylium) ou Stephen Saad (Aspen). Symbole de cette soirée de remise de trophées, la victoire de la patronne de la société Kalagadi Manganese est aussi un marqueur fort de cette deuxième édition du Africa CEO Forum (ACF), le grand rendez-vous du capitalisme africain, qui s’est tenue du 17 au 19 mars à l’hôtel Intercontinental de Genève.

Diaporama du Africa CEO Forum

Certes, parmi les 700 grands patrons, ministres, dirigeants d’institutions internationales, financiers et consultants qui ont arpenté les couloirs du forum et fréquenté les salles de conférences, les femmes furent peu nombreuses. Mais entre l’omniprésente Valentine Rugwabiza, ancienne directrice générale adjointe de l’Organisation mondiale du commerce désormais à la tête du Rwanda Development Board, et Eleni Gabre-Madhin, la pimpante et ultradynamique fondatrice de la Bourse des produits agricoles d’Éthiopie [l’Ethiopia Commodity Exchange], « la femme d’affaires africaine » aura bien marqué l’édition 2014 de l’ACF.

Succès accru

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Seize mois après l’organisation dans le même lieu du premier forum panafricain des dirigeants de grandes entreprises africaines, le Groupe Jeune Afrique, la Banque africaine de développement et Rainbow Unlimited ont fait plus que confirmer le succès de l’édition initiale. Quantitativement d’abord, même si ce n’était pas un objectif en soi, mais, surtout, qualitativement.

Aux présents de la première édition (Donald Kaberuka, Mo Ibrahim, Valentine Rugwabiza, Bob Collymore, Mohamed El Kettani, Henri-Claude Oyima, entre autres…), se sont ajoutés d’autres grands noms de l’économie africaine : les Marocains Abdeslam Ahizoune, Mohamed Bennani et Saâd Bendidi ; le très médiatique Ashish Thakkar, d’origine ougandaise ; le pétrolier nigérian Kola Karim ; Gervais Koffi Djondo ; le Tanzanien Mohammed Dewji ; le Bissau-Guinéen Carlos Lopes ; le Kényan Thomas Konditi… Du côté des internationaux actifs en Afrique, le numéro deux de Danone, Emmanuel Faber, avait fait le déplacement, tout comme Jean-Sébastien Decaux, héritier du numéro deux mondial de l’affichage urbain.

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Un forum tout seul ne fera pas de miracle en soi. Tout est cumulatif : chaque forum s’ajoute au précédent.
Donald Kaberuka

Cette nouvelle édition de l’ACF aura confirmé la richesse des échanges entre les participants. Malgré le soleil et la douce chaleur annonciatrice du printemps, la piscine de l’hôtel est restée vide, contrairement aux salles de conférences. Au fil des heures, l’audience n’a nullement faibli au cours des douze débats thématiques du forum : africapitalisme, local content [promotion de la main-d’œuvre et de l’industrie locales], croissance inclusive, agrobusiness et agriculture familiale, révolution digitale, gestion des entreprises familiales… Les débats et les discussions n’auront pas manqué, renforcés hors des salles de conférences par un logiciel de mise en relation disponible pour l’ensemble des participants. Son appli mobile aura vu s’échanger près de 5000 messages en 48heures et permis la prise de nombreux rendez-vous.

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Longue haleine

« Un forum tout seul ne fera pas de miracle en soi. Tout est cumulatif : chaque forum s’ajoute au précédent. Et il faut savoir continuer à se parler. On m’a demandé s’il y aurait une feuille de route à l’issue de celui-ci. J’ai répondu : surtout pas. Nous ne sommes pas ici pour faire des déclarations générales, mais pour prendre en compte des problèmes et les résoudre », a souligné Donald Kaberuka, le président de la Banque africaine de développement (BAD), dans un entretien accordé à Jeune Afrique.

L’appli mobile aura vu s’échanger près de 5000 messages en 48 heures et permis la prise de nombreux rendez-vous.

Pas de grandes déclarations, donc, à l’issue de l’événement ni de « livre blanc », mais une étape supplémentaire dans le dialogue entre tous les acteurs de l’économie du continent. Dans l’une des salles de l’Intercontinental, baptisée Nairobi, le mardi 18 mars aux alentours de midi, un grand pas a ainsi été franchi dans l’émergence d’un réseau, le fameux Africa CEO Network que les organisateurs ambitionnent de créer depuis novembre 2012 afin de donner à l’ACF un caractère permanent.

Une quinzaine de patrons des patrons, ministres, économistes se sont discrètement réunis pendant près de deux heures sur trois thèmes cruciaux : mobilisation des ressources financières, énergie et commerce. Cette réunion de haut niveau s’est tenue selon les règles dites de Chatham House : liberté d’utiliser les informations collectées, mais interdiction de révéler l’identité ou l’affiliation des personnes à l’origine de ces informations. Un nouveau fonctionnement de l’ACF – « très productif », selon un participant – que le président de la BAD prévoit déjà de reproduire en d’autres occasions, et peut-être dès les assemblées annuelles de l’institution à Kigali en mai prochain.

Et maintenant ?

Avec ce nouveau succès, le forum est en tout cas définitivement lancé. La prochaine édition aura lieu dans un an. Le lieu exact n’a pas été déterminé, mais un changement fondamental a été acté. « Nous avons choisi Genève, car c’était un lieu pratique pour réunir tout le monde, internationaux comme Africains, a expliqué Donald Kaberuka à la tribune. Mais la marque Africa CEO Forum est désormais installée, et la prochaine édition aura lieu en Afrique. » Une promesse qu’ont également faite les autres organisateurs de l’événement. Le défi logistique et organisationnel sera sans doute encore plus lourd, mais le symbole est important pour un forum africain marqué, malgré tous les enjeux et toutes les difficultés égrenés par les participants pendant deux jours, par un dynamisme assez incroyable.

Résumé en quelques images et une seule phrase par le président de la BAD : deux couvertures du magazine britannique The Economist depuis une décennie (du « continent sans espoir », en mai 2000, à « l’Afrique émergente », onze ans plus tard) et une question : « Quel titre vont-ils trouver pour la prochaine édition ? »

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