[Tribune] Relance post-Covid : n’oublions pas les entrepreneures africaines
Il est indispensable que les plans de relance nationaux et régionaux lèvent – aussi – les barrières limitant l’entrepreneuriat féminin dès 2021, estiment les deux entrepreneures Cynthia Aïssy et Sene Ossebi.
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Cynthia Aïssy
Directrice générale de KeyOps Tech, réseau digitalisé de transport et livraison de colis en Afrique
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et Sene Ossebi
Directrice générale de Sport News Africa, média panafricain 100 % web d’actualités sportives
Publié le 29 janvier 2021 Lecture : 3 minutes.
En mai 2020, la Banque mondiale estimait que la pandémie pourrait conduire jusqu’à 58 millions d’individus dans l’extrême pauvreté en Afrique subsaharienne. Or, les économies africaines doivent créer au moins 450 millions d’emplois sur les vingt prochaines années pour subvenir aux besoins de populations en forte croissance.
Un entrepreneuriat féminin encore limité par des entraves structurelles
Avec le taux d’entrepreneuriat féminin le plus élevé au monde, l’Afrique est la seule région du monde où les femmes sont plus susceptibles de travailler à leur compte que les hommes. Mais elles enregistrent des bénéfices en moyenne 34 % inférieurs à ceux de leurs homologues masculins, avec des effectifs moins importants et un chiffre d’affaires réduit.
Parmi ces défis : le difficile accès aux capitaux ainsi qu’à l’éducation ou encore certaines normes sociales freinant l’épanouissement entrepreneurial des femmes. Selon la Banque mondiale, « les entreprises masculines bénéficient en moyenne d’un investissement en capital six fois supérieur à celui des entreprises féminines ».
De plus, des pressions sociales poussent les entrepreneures africaines à utiliser leurs fonds pour les dépenses ménagères et influencent leurs choix stratégiques puisqu’une majorité d’entre elles se trouvent reléguées en dehors des secteurs dominés par les hommes, qui sont généralement plus lucratifs (sport, transport, logistique…)
Trois mesures à intégrer aux plans de relance post-Covid
Pour lever ces barrières, trois types d’actions peuvent être mis en œuvre. Tout d’abord, augmenter l’accès aux capitaux par le déploiement de mécanismes d’épargne et de micro-crédit spécifiques. Des initiatives comme le projet de microfinance dédié aux entrepreneures Fin’Elle du groupe Cofina (Afrique de l’Ouest) ou programme Lady’s First porté par Rawbank (Afrique Centrale) proposent des offres adaptées aux dirigeantes d’entreprises pour le démarrage et la gestion de leurs activités.
Dans le cadre des plans de relance, cela se traduirait par une provision fléchée vers « l’essor et la survie des commerces féminins » en période de Covid-19. Au Sénégal par exemple, la Délégation générale à l’entrepreneuriat rapide des femmes et des jeunes (DER) a décidé d’octroyer 1,5 milliard de francs CFA (2,3 millions d’euros) à des « prêts Covid-19 DER » pour le règlement des charges d’exploitation des bénéficiaires pendant trois mois.
Une initiative similaire, dédiée aux femmes et aux jeunes et comportant un premier volet sur le lancement d’une activité économique et un second volet sur son maintien, pourrait être développée au niveau de l’Uemoa. Avec une allocation de 1 milliard de francs CFA par pays-membre, par exemple, c’est toute l’économie régionale qu’elle permettrait de booster. Il en va de même dans la zone Cemac, dont le plan de relance régional réparti sur cinq ans priorise l’industrialisation et la diversification économique de l’Afrique centrale.
D’un entrepreneuriat par nécessité à un entrepreneuriat par choix
Par ailleurs, un meilleur partage de compétences et un meilleur accès à des formations peuvent nourrir l’esprit d’entreprise des femmes en Afrique et faciliter la diffusion des bonnes pratiques au sein de leurs structures, avec des effets positifs prouvés sur le chiffre d’affaires et les bénéfices des entreprises dirigées par des femmes à moyen et long terme.
Suivant l’exemple ivoirien, les États africains pourraient mettre en œuvre un programme « d’appui à la création d’emplois et de sources de revenus liées au numérique » à destination de leurs jeunes concitoyennes et concitoyens à parts égales, avec des dons de matériel informatique et des modules de formation sur les nouvelles technologies, la gestion de projet, la comptabilité ou encore le développement personnel.
Par ces actions, le continent pourra passer d’un entrepreneuriat par nécessité (mu par les disparités de compétences, d’employabilité, de temps et de responsabilités familiales) vers un entrepreneuriat par choix, sur la base d’une opportunité économique perçue.
Par ces actions, il sera possible d’accroître significativement nos PIB dans un contexte de relance, pour des économies plus inclusives et résilientes avec une nouvelle dynamique en termes de création d’emplois.
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