Retrouvailles sino-américaines

Publié le 12 décembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Il est 21 heures ce 15 décembre 1978 à Washington, mais le soleil brille sur Pékin : c’est déjà la matinée du lendemain, qui marque… l’aube d’une ère nouvelle entre les deux ex-ennemis mortels. Au même instant, Américains et Chinois apprennent par leurs dirigeants respectifs, le président Jimmy Carter et le secrétaire général Hua Guofeng (le successeur de Mao Zedong donne à cette occasion sa première conférence de presse devant des journalistes chinois et étrangers), que « la République populaire de Chine (RPC) et les États-Unis d’Amérique ont décidé de se reconnaître mutuellement et d’établir des relations diplomatiques à partir du 1er janvier 1979 ». « Les États-Unis reconnaissent le gouvernement de la RPC comme le seul représentant légal de la Chine. Dans ce contexte, le peuple américain maintiendra des relations culturelles, commerciales et non officielles avec le peuple de Taiwan », poursuit le communiqué. Une véritable révolution dans le paysage géopolitique mondial, fruit de près d’une décennie de négociations.

Le divorce datait de 1949, quand, à l’issue de la longue marche conduite par Mao, le Parti communiste chinois (PCC) s’était emparé du pouvoir à Pékin et avait proclamé la République populaire de Chine (RPC). Dirigé par le général Chang Kaï-chek, le gouvernement nationaliste du Guomindang avait alors traversé le détroit de Taiwan pour se réfugier sur l’île du même nom. Depuis, les deux entités s’efforçaient d’apparaître comme l’unique représentant de la Chine et ne faisaient pas mystère de leur intention de conquérir par la force la partie du territoire échappant à leur contrôle.
En pleine guerre froide, les États-Unis, suivis par nombre de leurs alliés et par les Nations unies, ne tardent pas à choisir leur camp. D’autant que les nouveaux maîtres de Pékin affichent une franche hostilité à leur égard : résolu à mener un combat sans merci contre « le capitalisme honni », le « Grand Timonier » s’empresse de confisquer les propriétés consulaires américaines. En 1950, la signature du traité d’amitié sino-soviétique, suivie de l’entrée des troupes chinoises dans le nord de la péninsule coréenne, aggrave encore la situation. En 1954, les États-Unis signent un traité de sécurité et de défense mutuelle avec Taiwan. La tension est à son comble.
L’apparition d’un fort antagonisme entre la Chine et l’URSS va bouleverser la donne. Dès 1960, la rupture est consommée entre les deux géants du communisme mondial, la RPC n’acceptant pas la politique de coexistence pacifique avec les États-Unis menée par les « révisionnistes » soviétiques. Pourtant, en dépit de la rhétorique « anti-impérialiste » des maoïstes, un rapprochement se dessine avec certains alliés des États-Unis. En 1964, les relations sont normalisées avec la France.

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Mais il faudra attendre le début des années 1970 pour que s’enclenche le mécanisme de la détente sino-américaine. En mars 1971, le président Richard Nixon fait le premier pas, se déclare prêt à engager le dialogue avec Pékin et lève toutes les entraves aux déplacements de ses concitoyens en Chine. En réponse, un mois plus tard, Mao invite à Pékin une équipe de ping-pong américaine en tournée au Japon. L’événement connaît un tel retentissement international que le processus de détente qui s’ensuivra sera qualifié de « diplomatie du ping-pong ». À la fin de l’année, la RPC remporte une bataille diplomatique décisive : elle est admise aux Nations unies en lieu et place de Taiwan et devient du même coup membre permanent du Conseil de sécurité. Dès lors, le dialogue entre Pékin et Washington va s’accélérer et aboutir, en février 1972, à la visite en Chine de Nixon.
Accueilli en grande pompe par Mao, le président américain signe à l’issue de son voyage le « communiqué de Shanghai », qui servira de base à la normalisation. Mais la question taïwanaise continue d’empoisonner les relations sino-américaines. Sept années de négociations supplémentaires seront nécessaires pour parvenir à l’accord de décembre 1978. Deux ans après la disparition du Grand Timonier, Washington et Pékin sont parvenus à sortir de l’impasse et à trouver un compromis sur le statut de Taiwan, qui perdure jusqu’à aujourd’hui.

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