Quarante ans après

Publié le 12 décembre 2005 Lecture : 2 minutes.

J’ai fait la connaissance de Marcel Péju au début des années 1950, peu avant qu’il devienne secrétaire général de la revue Les Temps modernes, « un titre un peu stalinien », dira-t-il plus tard. J’ai encore, parmi d’autres, le numéro 97 de décembre 1953 où, sous la mention « Directeur : Jean-Paul Sartre », on peut lire ceci : « Comité de rédaction : Jean Cau-Claude Lanzmann-Marcel Péju », suivi de : « Secrétaire général : Marcel Péju ».
En couverture était annoncé un article de Marcel Péju et Jean Pouillon, « Chronique politique : l’armée « européenne » contre l’Europe ». C’était au temps des débats sur la C.E.D., la Communauté européenne de défense.
Jean Cau était alors, depuis 1947, secrétaire de Sartre. Il devait avoir en 1961 le prix Goncourt pour La Pitié de Dieu, et écrire beaucoup de livres et d’articles pour L’Express et Paris Match, avant de disparaître en 1992.
Claude Lanzmann sera l’auteur de plusieurs films sur Israël et du monumental Shoah. Il dirige toujours Les Temps modernes.
Jusqu’en 1961, Marcel Péju a figuré parmi les membres d’un comité de rédaction élargi. Mais, dès le début de cette année-là, son nom est remplacé par celui de Francis Jeanson, le créateur et l’animateur du Réseau qui soutint en métropole l’action des militants du FLN algérien. En 2002, Marcel a présenté et préfacé aux éditions La Découverte un livre sur le procès qui fut fait au Réseau Jeanson.
Je n’ai jamais su les raisons précises de sa rupture avec Sartre. Marcel Péju était très rigoureux, mais aussi très secret. Je n’ai connu que plus tard ses liens avec Ben Bella et sa décision de prendre des distances avec l’Algérie parce qu’il trouvait inadmissible que l’on s’empare du pouvoir par un putsch, comme l’avait fait Boumedienne.
Anecdote algérienne. On déjeunait souvent en groupe, comme on dit, à Saint-Germain-des-Prés. En 1956, pour le compte du quotidien où je travaillais alors, j’avais suivi Guy Mollet à Alger. Il s’y fit bombarder de tomates et se lança dans une politique du « dernier quart d’heure ». Le quart d’heure fut long. Au retour, je propose à Péju de m’intéresser au cas de Jacques Soustelle, ce gaulliste spécialiste des Aztèques nommé quelque temps gouverneur de l’Algérie. Réponse sèche : « On ne doit pas s’intéresser à ces gens-là. »
Longtemps, je l’ai perdu de vue. Puis, près de quarante ans plus tard, je me suis retrouvé à Jeune Afrique dans le même bureau que lui. Toujours puritain, précis, tranchant. Et d’une inébranlable courtoisie.

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