Pinter le flingueur

Le Prix Nobel de littérature 2005 a une spécialité : la chasse au Bush et au Blair. Mais, pour l’heure, il lutte surtout contre la maladie.

Publié le 12 décembre 2005 Lecture : 2 minutes.

Prix Nobel de littérature 2005, le dramaturge britannique Harold Pinter (75 ans) est un rebelle. Un rebelle malade. Hospitalisé depuis début décembre, il souffre d’un cancer de l’oesophage diagnostiqué en 2002. Il n’a donc pu assister à la cérémonie de remise de son prix, le 10 décembre à Stockholm. Dommage, car tout le monde s’attendait à des déclarations au vitriol contre l’administration Bush ou le Premier ministre britannique Tony Blair. Pinter a toutefois enregistré un (très) long discours qui a été diffusé lors de la traditionnelle conférence du lauréat, trois jours auparavant. Il y synthétise l’ensemble de ses attaques contre l’impérialisme américain depuis… la Seconde Guerre mondiale.
À la fois dramaturge, acteur, metteur en scène, poète et scénariste, Pinter est aussi un militant pacifiste farouchement opposé à toutes les guerres : celle du Kosovo (1999), comme celle d’Afghanistan (2001) ou, bien sûr, celle d’Irak. Dans ce dernier pays, « nous avons, accuse-t-il, amené la torture, les bombes à fragmentation, la mort et la misère. Nous avons plongé le peuple irakien dans une spirale vers le bas. Et c’est ça que nous appelons apporter « la liberté et la démocratie » au Moyen-Orient ? » Comme l’on sait, les « libérateurs » autoproclamés ne sont parvenus à déclencher que « résistance, chaos et confusion totale ». Il est vrai que Blair est, à ses yeux, « un idiot plein d’illusions ». Et Bush « un criminel de guerre ». Carrément !
Cet anti-impérialiste virulent, né en 1930 à Londres, où ses grands-parents juifs russes avaient émigré au début du siècle, voit dans l’administration Bush la « force la plus dangereuse qui ait jamais existé. Plus dangereuse encore que l’Allemagne nazie. » Selon lui, « Bush et son gang savent parfaitement ce qu’ils font. Ils sont tout simplement décidés à contrôler la planète et ses ressources. Ils se moquent comme d’une guigne du nombre de gens qui laisseront leur peau dans cette entreprise. » À ceux qui objectent que l’organisation d’élections en Irak constitue quand même un progrès, il répond : « Le président Bush en personne a répondu à cette question lorsqu’il a dit : « Nous n’admettons pas qu’il puisse y avoir des élections démocratiques libres dans un pays sous occupation militaire étrangère. » Il m’a fallu lire cette phrase à deux reprises avant de comprendre qu’il parlait… du Liban et de la Syrie. »
L’engagement humain et politique de Pinter a sans nul doute beaucoup contribué à sa désignation par les jurés du prix Nobel, le 13 octobre. Cet engagement est en effet total. Au mois de février, il a même annoncé son intention de renoncer à écrire des pièces de théâtre et de consacrer toute son énergie, par le biais de poèmes et de discours, à « changer la situation actuelle », rendue très inquiétante par la politique des États-Unis. Si l’on n’y prend garde, explique-t-il, Bush et les siens sont tout à fait capables de « faire sauter la planète ».
Pour l’heure, le dramaturge mène une autre bataille : contre la mort. Et là, les mots ne lui seront d’aucun secours.

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