Les nomades oubliés de l’Aïr

Rencontre avec les éleveurs peuls et touaregs de la région de l’Azawak, à plus de millekilomètres au nord de la capitale.

Publié le 12 décembre 2005 Lecture : 2 minutes.

En cette fin septembre, l’ambiance était plutôt morose à la Cure salée, traditionnel rassemblement d’éleveurs peuls et touaregs qui, chaque année, à la fin de la saison des pluies, convergent vers les pâturages salés de la région d’Ingall. La fête a perdu de son lustre. Et pour cause, estime Boubakar Hassane, président de la Fédération nationale des éleveurs du Niger : « Plus de 300 000 têtes de bétail ont disparu cette année du fait de la sécheresse. » À côté de lui, Mohamed Ichika, maire de la commune d’Aderbissinat (au sud-ouest d’Agadez), indique que « 75 % des animaux de la circonscription ont péri ». Les deux hommes, et des milliers des leurs, partagent la même angoisse : « Comment reconstituer les troupeaux ? » Ils sont venus à la Cure salée pour interpeller les ministres présents et trouver des aides. Sans illusions. L’État n’a pas les moyens, tandis que les bailleurs de fonds étrangers semblent inaccessibles.
Alors que nous reprenons la route vers le sud de l’Azawak, les paroles inquiètes des deux hommes se matérialisent. Devant nous, un modeste campement touareg. Environ quatre-vingts personnes habitent ici, des Touaregs noirs, aussi appelés Bellas. Ils survivent grâce à quelques chèvres et chameaux. L’année dernière, ils avaient aussi quarante vaches. Il en reste une seule. La moitié sont mortes avec la sécheresse, les autres ont été vendues pour acheter des céréales. Ils ne savent pas comment ils vont passer l’année. « Inch’ Allah », murmurent-ils. C’est tout le réconfort qu’il leur reste.
Le lendemain matin, cinquante kilomètres plus au nord. Devant nous, une tente touarègue, isolée. Vivent ici une femme, Tamashek « blanche », et ses neuf enfants. Le mari est décédé il y a un an. La famille survit avec une dizaine de chèvres. Ni médecin ni médicament à plusieurs centaines de kilomètres à la ronde.
Droits, dignité, vie meilleure… C’est le refrain de tout un peuple nomade, touareg, mais aussi peul, comme nous l’avons découvert à Foundouk, à une centaine de kilomètres d’Ingall. Là s’étaient rassemblés des milliers d’éleveurs « wadabés » venus du Niger et même des pays voisins, notamment du Mali et du Nigeria. Des heures durant, les jeunes garçons ont dansé et chanté le yaké traditionnel. Fardés et habillés avec autant de soin que des demoiselles, ils ont célébré la beauté et la richesse de la culture des Peuls bororos. Mais au-delà des festivités, ils étaient surtout présents pour « réfléchir à l’avenir et à l’évolution de [leur] mode de vie », ainsi que l’explique Doula Makao, organisateur de l’événement. « Nous devons trouver un équilibre entre sédentarisation et nomadisme. C’est urgent. Cette année a été très difficile. Il y en aura d’autres. Il faut que nous puissions être soignés et que nos enfants aillent à l’école. Ainsi, ils seront prêts à affronter les deux modes de vie et armés pour défendre nos droits et nos valeurs. » Cette lutte pour l’égalité des chances est loin d’être terminée. Surtout, elle nécessite des moyens que les nomades, seuls, n’ont pas. Alors que nous nous apprêtions à quitter Foundouk, une vieille femme peule s’approche. « Je suis contente de voir des étrangers ici. Vous allez pouvoir parler de nous chez vous… »

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