Les mystères du fleuve

Dans son ouvrage alliant photographies et poésie, Éric Sellato nous invite à un voyage initiatique au fil de l’eau.

Publié le 12 décembre 2005 Lecture : 2 minutes.

Pour toute personne ayant déjà contemplé un coucher de soleil sur le fleuve Niger, ce livre éveillera des souvenirs. Pour les autres, l’invitation au voyage s’impose d’elle-même. Avec une exigence toutefois : l’auteur veut aller au-delà d’une simple évocation de la beauté des paysages. Il questionne l’histoire pour mieux comprendre le présent. Il photographie le quotidien pour mieux saisir le passé. Car, source de vie, voie de communication et de commerce, le bassin du Niger a ses mystères. Les peuples les ont perpétués en respectant les génies du fleuve.
« L’ensemble de ces croyances se sont répandues durant l’expansion de l’empire Songhay, précise Éric Sellato. Je me suis documenté en lisant les travaux de l’ethnologue et cinéaste Jean Rouch. Quant à mes photos, elles retracent et illustrent cette épopée. » Pari réussi. Les textes pointus sans être académiques racontent les aventures des génies : Dikko la Peule, reine du fleuve ; Kyirey le Songhay, génie de l’éclair ; Dongo le Bella, maître du tonnerre ; Manda le Haoussa, génie de la forge ; Moussa le Gourmantché, maître des vents et de la brousse ; et Koda la Touarègue, petit esprit de l’eau. L’auteur évoque aussi avec la même rigueur les exploits accomplis par Faran, l’ancêtre des pêcheurs né à Karé Kopto, petit village de la région du W sur les rives du Niger. « Le simple pêcheur qu’il était devint chasseur du fleuve, négligeant les poissons pour s’attaquer, armé de ses harpons et de ses sortilèges, à de plus gros gibiers, tels le crocodile, le lamantin ou l’hippopotame. Ses nombreux combats contre les djinns, les animaux du fleuve et les hommes le menèrent le long du Niger jusqu’à la région de Gao, une ville dont il fut le fondateur mythique. »
Les ethnologues recensent près de 150 génies dans le panthéon songhay. À son apogée, au XVe siècle, l’empire s’étendait du Fouta-Toro (Sénégal) au massif de l’Aïr (Niger), et de Tombouctou (Mali) à Kano (Nigeria). La capitale était Gao, fondée dès le VIIIe siècle. Le territoire était organisé en cités et provinces, et le fleuve servait de trait d’union. Aujourd’hui, le songhay, devenu langue véhiculaire, relie près de trois millions de personnes. Peuples de pêcheurs et d’agriculteurs, ils ont su préserver cet héritage. Cela méritait un beau livre.

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