Zawahiri appelle au meurtre
Dans un nouveau message, le numéro deux d’Al-Qaïda lance une fatwa contre les chefs d’État maghrébins.
Le Pakistanais Pervez Musharraf n’a plus le douteux « privilège » d’être l’unique chef d’État musulman visé par une fatwa haut de gamme. Autrement dit, une condamnation à mort prononcée par Aymen Zawahiri. Dans un enregistrement sonore diffusé le 3 novembre par As-Sahab (« le nuage »), la branche média de la galaxie Ben Laden, le numéro deux d’Al-Qaïda a réitéré son appel à « la nation de l’islam au Maghreb » pour qu’elle déclenche le djihad contre les États-Unis, l’Espagne et la France.
Par rapport à son « discours au Maghreb » du 20 septembre, on note l’apparition des Américains dans la liste des ennemis à combattre. Mais aussi, et surtout, une diatribe ad hominem contre « leurs esclaves », dont il s’agit de « nettoyer nos terres ». Soit « Kadhafi, Zine el-Abidine, Bouteflika et Mohamed Sadess ». En d’autres termes : le « Guide » de la Jamahiriya libyenne, le président tunisien Ben Ali, son alter ego algérien et le roi du Maroc, Mohammed VI. Quelles peuvent être les conséquences de ces appels au meurtre ?
L’attentat kamikaze contre le cortège de Bouteflika, le 6 septembre à Batna (voir J.A. n° 2436), a sans doute constitué un premier avertissement. Depuis, tous les chefs d’État maghrébins ont discrètement renforcé leurs dispositifs de sécurité respectifs. Personne ne néglige la menace mais, à l’inverse, personne ne cède à la panique. Il est très improbable que la fatwa de Zawahiri bouleverse les agendas des « esclaves dont il est désormais licite de verser le sang ».
Le bras droit de Ben Laden annonce par ailleurs le ralliement à Al-Qaïda du Groupe islamique combattant libyen (GICL), créé au milieu des années 1990 par des vétérans libyens de la première guerre d’Afghanistan (contre l’armée soviétique), et, nommément, d’Abou Laith al-Libi, son fondateur, recherché depuis des lustres par plusieurs services de sécurité arabes et occidentaux.
Le GICL a fait pour la première fois parler de lui en 1995, en organisant, à Benghazi, une opération qui fit une dizaine de victimes parmi les « amazones » chargées de la protection rapprochée du « Guide ». Au départ, les objectifs du groupe étaient exclusivement nationaux : renversement de Kadhafi et instauration d’un État islamique. À partir de février 1998, il s’est internationalisé en participant avec Ben Laden à la création du Front islamique mondial contre les juifs et les croisés. Les relations entre Al-Qaïda et le GICL sont donc beaucoup plus anciennes que ne le suggère Zawahiri.
Le passage de son discours consacré à Kadhafi est-il codé ? Annonce-t-il un attentat imminent ? Toujours accompagné lors de ses déplacements de délégations fortes de plusieurs centaines, voire de plusieurs milliers, de personnes, le « Guide » ne devrait pas être amené à renforcer son dispositif de protection, tant celui-ci est déjà imposant.
Si le Maghreb politique demeure dans une impasse, le Maghreb du terrorisme semble nettement plus efficace. La présence dans les camps d’entraînement en Algérie et au Sahel d’aspirants kamikazes originaires de tous les pays maghrébins le prouve. Après les Marocains de Yakouren, en Kabylie, et les Tunisiens de Meftah et d’Annaba, les forces de sécurité algériennes ont, le 28 octobre, annoncé que cinq Libyens figuraient parmi la quinzaine de djihadistes abattus lors d’opérations de ratissage dans les montagnes de Tébessa, près de la frontière tunisienne. La nouvelle serait plus rassurante si, à l’issue de l’accrochage en question, une quarantaine de djihadistes ne s’étaient évanouis dans la nature. Des ceintures d’explosifs autour de la taille.
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