Tous contre Belkhadem ?

À quelques jours des élections locales, le Premier ministre est la cible d’attaques convergentes venant de son gouvernement, de ses partenaires de l’alliance présidentielle et même de son propre parti.

Publié le 13 novembre 2007 Lecture : 5 minutes.

Dans tout régime semi-présidentiel, la fonction de Premier ministre n’est pas une assurance de longévité au pouvoir. En Algérie comme ailleurs, tout le monde sait bien que le chef du gouvernement est une sorte de fusible appelé à sauter en cas de crise. Du coup, les rumeurs de démission, voire de limogeage, se multiplient à la moindre occasion. Celles dont Abdelaziz Belkhadem, en poste depuis le 25 mai 2006, fait l’objet depuis plusieurs semaines étaient devenues tellement insistantes qu’Abderrachid Boukerzaza, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, a été contraint de les démentir officiellement.
Patron du Front de libération national (FLN), ancien parti unique et première force politique du pays, Belkhadem fait face, selon la presse indépendante, à une triple contestation. D’abord, au sein du gouvernement qu’il est censé diriger, mais dont il n’a pas choisi les membres. Ensuite, au sein de l’alliance présidentielle (voir encadré page suivante), qui regroupe, outre le FLN, le Rassemblement national démocratique (RND), d’Ahmed Ouyahia, et le Mouvement de la société pour la paix (MSP, ex-Hamas), de Bouguerra Soltani. Enfin, au sein même du parti qu’il a pris en main en 2004. Pourquoi tant d’hostilité ?
Il est certain que Belkhadem s’est, au cours de sa carrière, attiré de nombreuses inimitiés dans le sérail. Incarnation du courant conservateur au sein du FLN, l’ancien président de l’Assemblée populaire nationale (APN) avait, en 1995, pris le risque de soutenir le « contrat de Rome », une initiative politique qui, sous les auspices de la communauté catholique de Sant’Egidio, visait à réhabiliter le Front islamique du salut (FIS), dissous par décision de justice trois ans auparavant. Depuis, il n’a jamais vraiment réussi à se débarrasser de l’étiquette de « barbefelène » dont il fut à l’époque affublé, comme tous les dirigeants nationalistes accusés de s’être compromis avec le fondamentalisme – et d’avoir, du même coup, joué un rôle dans la naissance du djihad à l’algérienne.
Après une période d’« opposition passive » – autrement dit une traversée du désert -, Belkhadem revient aux affaires en 1999 : il est nommé ministre d’État. Certaines mauvaises langues suggèrent qu’Abdelaziz Bouteflika aurait en réalité souhaité le nommer à la primature, mais qu’il aurait dû y renoncer en raison de l’hostilité d’une partie du commandement de l’armée, qui n’avait pas pardonné à l’intéressé ses penchants islamistes supposés. Belkhadem laisse passer l’orage et s’attache à servir dans l’ombre le chef de l’État.

En mars 2003, le FLN tient son 8e congrès. Premier ministre et secrétaire général du FLN, Ali Benflis est au faîte de son pouvoir. Il croit son heure venue. Convaincu de contrôler l’appareil du parti, cette machine électorale d’une redoutable efficacité, il annonce sa candidature à la succession de Bouteflika. Mais Benflis ne contrôle que le siège du parti, à Hydra. La base, elle, est divisée. Une opération de « redressement » est lancée par certains cadres. Belkhadem en prend la tête et exige la tenue d’un congrès « rectificatif ». Il ne l’obtient pas, mais Bouteflika est réélu dès le premier tour de la présidentielle d’avril 2004. Avec 6,4 % des suffrages, Benflis est littéralement laminé. Sans coup férir, Belkhadem récupère la direction du FLN.
Las, le « redressement » se révèle une simple opération de replâtrage. Dans un souci d’équilibre, Belkhadem constitue un bureau politique composé à parts à peu près égales de partisans de Bouteflika et de fidèles de Benflis. La base perd tous ses repères, les divergences entre les deux camps n’étant ni programmatiques ni idéologiques, mais essentiellement personnelles. Le renouvellement des instances du parti est un vrai casse-tête, dont Belkhadem se tire tant bien que mal. Il semble maîtriser à peu près la « bouillabaisse » FLN.

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Pour lui, les législatives du mois d’avril dernier constituent le premier vrai test. Elles s’achèvent par une déroute. Benflis a quitté le navire FLN alors que le parti disposait de la majorité absolue à l’APN, devenue la Chambre basse du Parlement, et d’un capital de près de 3 millions de voix obtenues lors des législatives de 2002. Cinq ans plus tard, l’ex-parti unique n’en recueille que 1,2 million et perd la majorité au Parlement. Belkhadem tente de se défendre en invoquant la faiblesse de la participation au vote (deux électeurs sur trois ont boudé les urnes), mais personne n’est dupe. La contestation reste toutefois discrète, chacun sachant qu’il conserve la confiance de Bouteflika, président d’honneur du FLN.
En revanche, ses détracteurs haussent le ton lors de la constitution des listes pour les élections locales du 29 novembre. La base conteste les choix de la direction et de nombreux militants non retenus rejoignent d’autres formations. Certains vont jusqu’à appeler au boycottage de la consultation ! Jamais depuis l’introduction du multipartisme, en 1989, le phénomène de la « transhumance » politique n’avait pris de telles proportions. Même Abdelhamid Si Afif, le président de la commission des Affaires étrangères de l’APN, qui fut l’un des « redresseurs » les plus zélés, appelle à un changement à la tête du FLN et suggère le nom de Mouloud Hamrouche, ancien Premier ministre et ex-rival de Bouteflika. La cacophonie est totale.
Pourtant, Belkhadem reste serein. Fort de l’entier soutien de Bouteflika, il promet de répondre à ses détracteurs. Au cours d’une conférence de presse, le 6 novembre, il a démenti toute idée de démission, contesté que le FLN soit en crise et dénoncé les abus de l’administration, qui a récusé plus de huit cents candidats de son parti. « Deux cents ont été ultérieurement réhabilités par la justice, mais les six cents autres ont subi une injustice sans nom », s’est-il emporté.
Le problème est que le Premier ministre est censé diriger ladite administration ! Et que l’organisation des élections incombe à Yazid Zerhouni, son puissant ministre de l’Intérieur, lequel a, semble-t-il, modérément apprécié la sortie de son « patron ». Il est vrai que les rapports entre les deux hommes n’ont jamais été empreints d’une franche complicité
La vérité est que Belkhadem a du mal à imposer son autorité à une bonne moitié de ses ministres, dont certains s’abstiennent systématiquement de communiquer avec ses services. Une attitude qui frise parfois le boycottage. Bref, le chef du gouvernement est sur la corde raide, mais devrait néanmoins, à moins d’un nouveau naufrage électoral, réussir à conserver son poste.
Quoique, avec Bouteflika, on ne sait jamais. En 2006, le président n’avait pas hésité à limoger Ahmed Ouyahia, après avoir, quelques semaines auparavant, publiquement encensé sa politique de gel des salaires et sa manière de diriger l’exécutif. Ces derniers temps, il n’a tressé aucune couronne à Belkhadem. On ne sait si, pour ce dernier, il s’agit d’une bonne nouvelle.

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