Sommet d’Annapolis à quitte ou double
À l’approche de la conférence internationale convoquée par George W. Bush, huit personnalités américaines lancent un – dernier ? – appel en faveur de la solution de deux États.
La conférence de paix israélo-palestinienne, annoncée par le président George W. Bush et prévue pour fin novembre, représente une véritable occasion d’avancer vers la solution de deux États. Le Moyen-Orient n’a pas connu de crise aussi grave depuis des années, et une issue positive de la conférence pourrait jouer un rôle déterminant dans la lutte contre la montée de l’instabilité et de la violence. Étant donné qu’un échec risquerait d’avoir des conséquences dévastatrices dans la région et au-delà, ce sommet revêt une importance capitale. Gardant à l’esprit les leçons de la dernière tentative, à Camp David, il y a sept ans, nous croyons que pour qu’elle soit couronnée de succès la conférence doit fixer les conditions d’une paix permanente, être largement ouverte et garder en perspective la vie quotidienne des Israéliens et des Palestiniens.
La conférence doit fixer les conditions d’une paix permanente.
Étant donné qu’un accord de paix total est impossible en novembre, la conférence doit se concentrer sur l’immédiat et fixer les conditions d’une paix permanente, qui seraient ensuite validées par une résolution du Conseil de sécurité. Les dirigeants israéliens et palestiniens doivent s’efforcer d’aboutir à un tel accord. S’ils n’y arrivent pas, le Quartet (États-Unis, Union européenne, Russie et ONU) – sous l’égide duquel une telle conférence aurait dû être organisée – doit proposer sa propre solution, fondée sur les résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité de l’ONU, les paramètres Clinton de 2000, l’Initiative de paix arabe de 2002 et la Feuille de route de 2003. On devrait y trouver les dispositions suivantes :
– deux États basés sur les frontières du 4 juin 1967, avec des modifications mineures, réciproques et mutuellement acceptées, précisées dans un échange de territoires équivalents ;
– Jérusalem comme siège des deux capitales, avec des quartiers israéliens sous autorité israélienne et des quartiers arabes sous souveraineté palestinienne ;
– des dispositions spéciales pour la Vieille Ville, réservant à chaque partie le contrôle de ses lieux saints respectifs et garantissant le libre accès de chaque communauté ;
– une solution au problème des réfugiés qui soit compatible avec la solution de deux États, prenne en compte leur profond sentiment d’injustice et leur assure des indemnités financières convenables et une aide au relogement ;
– des mécanismes sécuritaires qui prennent en compte les inquiétudes israéliennes tout en respectant la souveraineté palestinienne.
La conférence ne doit pas en rester là, mais se poursuivre par des négociations crédibles et durables sur le statut permanent, sous contrôle international et avec un calendrier pour leur conclusion, de manière que puissent être mis en uvre à la fois la solution de deux États et tout le potentiel de l’Initiative de paix arabe (des relations normales, pacifiques entre Israël et la totalité des États arabes).
La conférence doit être largement ouverte.
– Afin de renforcer la confiance d’Israël dans le processus, les États arabes qui n’ont pas actuellement de relations diplomatiques avec Tel-Aviv devraient assister à la conférence.
– Nous félicitons l’administration de sa décision d’inviter la Syrie ; cette invitation doit être suivie d’un véritable engagement. Une avancée sur ce terrain pourrait modifier profondément le paysage régional. La conférence devrait, au minimum, susciter des entretiens directs israélo-syriens sous des auspices internationaux.
– Quant au Hamas, nous pensons qu’un véritable dialogue avec lui est de loin préférable à son isolement ; il devrait être mené par des envoyés de l’ONU et du Quartet au Moyen-Orient. La proclamation d’un cessez-le-feu entre Israël et Gaza serait un bon début.
La conférence doit produire des résultats qui se reflètent dans la vie quotidienne des Israéliens et des Palestiniens.
Trop souvent dans le passé les progrès ont été bloqués par le fossé entre les belles déclarations politiques et les dures réalités du terrain. La conférence doit donc aboutir également à un accord sur des mesures concrètes en vue d’améliorer les conditions de vie et de sécurité : cessez-le-feu mutuel et total en Cisjordanie et à Gaza, échange de prisonniers, interdiction de la contrebande d’armes, mise au pas des milices, plus grande liberté de mouvement pour les Palestiniens, suppression des points de contrôle injustifiés, démantèlement des postes avancés israéliens et d’autres mesures concrètes permettant d’accélérer la fin de l’occupation.
Il est très important, pour que la conférence soit crédible, qu’elle coïncide avec un gel de l’expansion des colonies israéliennes. Il est impossible d’avoir une discussion sérieuse sur la fin de l’occupation tant que l’expansion des implantations juives se poursuivra aussi rapidement. Des efforts doivent également être déployés pour améliorer les conditions de vie à Gaza et permettre la relance de l’économie.
Ces trois éléments sont étroitement liés ; aucun n’est viable en l’absence des autres. Si la conférence ne donne pas des résultats substantiels sur le statut permanent, aucune des parties n’aura la motivation ni le soutien de l’opinion pour prendre des mesures douloureuses sur le terrain. Si la Syrie ou le Hamas sont ostracisés, les risques qu’ils jouent un rôle négatif augmenteront considérablement. Cela pourrait prendre la forme d’une escalade de la violence en Cisjordanie ou à Gaza, qui interdirait tout règlement pacifique, accroîtrait le coût politique des compromis pour les deux parties et réduirait fortement la volonté ou la capacité d’Israël d’assouplir les mesures sécuritaires. De même, un cessez-le-feu général ou un échange de prisonniers ne sont possibles qu’avec la coopération du Hamas. Et si les deux parties ne constatent pas des améliorations concrètes dans leur vie quotidienne, il est probable que les accords politiques seront considérés comme de la pure rhétorique, ce qui réduira encore les chances de la solution de deux États.
Le fait que les parties et la communauté internationale semblent – après une longue et coûteuse interruption de sept ans – réfléchir à un règlement du conflit israélo-palestinien est une bonne nouvelle. Les enjeux sont tels qu’on n’a pas le droit à l’erreur. Ce qui signifie qu’il faut avoir l’ambition ainsi que le courage de s’engager sur des voies nouvelles et de prendre des décisions audacieuses.
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