Selima Ben Mustapha, une Tunisienne au pôle Nord

Dans l’océan Arctique, une native de la banlieue de Tunis étudie les conséquences du réchauffement climatique sur la banquise. Et sur le reste de la planète.

Publié le 13 novembre 2007 Lecture : 2 minutes.

Le brise-glace Amundsen a quitté Québec, son port d’attache, le 26 juillet, traversé la baie d’Hudson, croisé près du Groenland, dans les eaux territoriales danoises, franchi la mer de Beaufort, au large de l’Alaska, avant de pénétrer dans l’océan Arctique. Le 8 novembre, l’expédition est enfin arrivée à destination : le port de Nanisivik, pas très loin du pôle Nord.
À peine débarquée, une jeune femme s’est empressée de planter dans le sol gelé un drapeau tunisien. Son nom : Selima Ben Mustapha (34 ans). « Je suis la première Arabe et la première Africaine à me rendre au pôle Nord », pavoise-t-elle. L’expédition avait pour but de réaliser diverses mesures d’optique marine et de recueillir des données biogéophysiques, afin d’étudier les bouleversements climatiques dans la région et de mesurer leurs conséquences sur le reste de la planète. La mission s’inscrivait dans le cadre de l’Année internationale des pôles Nord et Sud.

C’est un voyage d’exploration dans la mer de Beaufort, en 2003, qui a convaincu Selima, jeune ingénieur en agrohalieutique et en biologie marine, de quitter son Bardo natal, dans la banlieue de Tunis, pour s’inscrire en doctorat à l’université de Sherbrooke, au Québec. Et c’est ainsi qu’elle a fini par mettre le cap sur le Grand Nord canadien.
Comment cette musulmane a-t-elle vécu le mois sacré de ramadan (qui s’achevait, cette année, à la mi-octobre) au pays des Inuits et des ours blancs ? En fait, l’obligation de jeûner jusqu’au coucher du soleil y est plus facile à respecter qu’ailleurs puisque, pendant la nuit polaire, ledit soleil ne se lève que quelques heures par jour ! Selima a observé de très près les populations autochtones. « Les Inuits, explique-t-elle, vivent dans un milieu difficile, ingrat. Faute de pouvoir le changer, ils ont dû s’adapter. Comme chez nous, dans les zones arides. » Arctique-Sahara, même combat ? « En visitant Arctic Bay, un village inuit près de Nanisivik, j’ai tout de suite fait la comparaison avec un village subsaharien ou maghrébin du Sud. Quand les conditions climatiques – froid ou chaleur – sont extrêmes et que tu dois coûte que coûte survivre, tu relativises forcément ta dépendance au modernisme et au confort. »
Le réchauffement climatique a, dans le Grand Nord, des conséquences encore plus dramatiques qu’ailleurs. La banquise se réduit comme une peau de chagrin. En quelques années, elle a perdu 39 % de sa superficie. Et le risque d’une catastrophe écologique majeure provoquée par quelque supertanker chargé à ras bord de pétrole brut est permanent.

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Pourtant, on parle de plus en plus de tourisme polaire. Selima Ben Mustapha, qui est la fille d’un vieux routier du tourisme tunisien, est très sensible à la question. « Cela aurait indiscutablement des effets positifs, comme la multiplication des échanges culturels ou le développement de l’économie locale et de l’artisanat. Hélas ! la mondialisation étant ce qu’elle est, je redoute de découvrir, dans quelques années, des restaurants McDonald’s à Tuktuyaktuk et des néons comme à New York dans la rue principale d’Iqualuit ! »
Au-delà de l’anecdote, le risque de transformation de cet écosystème pour l’instant ultraprotégé qu’est le Grand Nord en un gigantesque parc d’attractions est réel. Les scientifiques s’en inquiètent. Ils y voient – et Selima Ben Mustapha avec eux – une grave menace pour cette terre commune à l’humanité tout entière.

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