La Chine, accélérateur ou frein de la Zlecaf ?

Principal investisseur dans les infrastructures du continent, Pékin soutient ouvertement la Zlecaf. Mais des tensions commerciales pourraient émerger si une industrie manufacturière continentale parvenait à se développer.

Ingénieurs chinois et tanzanien sur le chantier de l’extension du port de Dar es Salaam, en Tanzanie, le 8 juillet 2020. © XINHUA-REA

Ingénieurs chinois et tanzanien sur le chantier de l’extension du port de Dar es Salaam, en Tanzanie, le 8 juillet 2020. © XINHUA-REA

Publié le 5 février 2021 Lecture : 4 minutes.

Dans ses déclarations publiques, Pékin affiche son soutien plein et entier à la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf), entrée en vigueur le 1er janvier, qu’elle qualifie de solution « gagnant-gagnant », faisant valoir que le libre-échange et le multilatéralisme constituent des fondements essentiels du système mondial.

En novembre 2020, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a ainsi déclaré que son gouvernement fournirait une aide financière et une formation pour renforcer les capacités du secrétariat général de la Zlecaf, dirigé par Wamkele Mene.

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Il est vrai que la Chine, premier investisseur dans les infrastructures africaines, devrait jouer un rôle clé dans les projets de construction des corridors de transport nécessaires à l’industrialisation de l’Afrique et à la transformation de ses matières premières.

Infrastructures : de nouveaux contrats en vue

« Si vous n’avez pas les routes, si vous n’avez pas l’équipement adéquat pour que les autorités douanières à la frontière puissent assurer un transit rapide et efficace des marchandises, la portée de cet accord s’en trouve réduit », résumait Wamkele Mene pour le Financial Times.

La Chine, qui souhaite renforcer ses liens avec l’Afrique de l’Est et avec l’Afrique du Nord grâce à son initiative « Belt and Road », a ainsi financé la construction du chemin de fer à écartement standard du Kenya et la ligne ferroviaire Addis-Abeba – Djibouti.

Certes destinées avant tout à placer davantage de pays dans l’orbite économique de Pékin, ces infrastructures peuvent être utilisées par les exportateurs locaux et internationaux.

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Un commerce intra-africain à la peine

Et malgré les craintes grandissantes relatives à la capacité des États à faire face aux dettes contractées pour le lancement de ces grands projets, la Chine, qui demeure toujours loin devant les nouveaux acteurs que sont la Turquie et l’Inde, devrait être l’un des principaux bénéficiaires de la campagne de construction de nouveaux couloirs commerciaux africains qui se profile.

L’esprit “Buy Africa only” de la Zlecaf ne fonctionne pas

En revanche, Pékin, premier partenaire commercial du continent, pourrait ne pas voir d’un bon œil le renforcement du commerce intra-africain, premier objectif de la Zlecaf, alors que certains commentateurs affirment que les produits chinois, souvent moins chers que les produits africains, ont freiné le développement de chaînes de fabrication et d’approvisionnement continentales.

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Les exportations de ciment du Kenya vers ses voisins d’Afrique de l’Est restent par exemple faibles en raison d’un afflux de ciment chinois bon marché. Au cours des dix dernières années, la Tanzanie et l’Ouganda ont augmenté leurs importations de Chine de 60 %, alors que 4 à 6 % seulement des produits industriels importés provenaient du Kenya.

Encore des mois de négociation sur les règles d’origine

« L’esprit “Buy Africa only” de la Zlecaf ne fonctionne pas. En tant que négociants internationaux, nous savons que les produits chinois, malgré le coût du fret, sont les moins chers », déclare ainsi Dennis Juru, président de l’Association internationale des commerçants transfrontaliers, basée en Afrique du Sud.

Si peu de pays africains utilisent à ce jour, de manière isolée, la politique industrielle qui peut inclure des droits de douane et d’autres mesures pour soutenir leurs industries locales afin que les entreprises puissent se donner les moyens d’être compétitives sur les marchés régionaux et mondiaux, les règles d’origine prévues par le traité de la Zlecaf contribueront à façonner le développement de l’industrie manufacturière sur le continent.

Ces règles sont encore en cours de négociation : le secrétariat de la Zlecaf estime que celles-ci se prolongeront jusqu’au milieu de cette année. Elles sont essentielles pour que les investisseurs étrangers puissent décider de s’installer, de prendre un engagement minimal vis-à-vis de l’économie et bénéficier ensuite de l’accord de libre-échange pour exporter en franchise de droits vers d’autres pays africains.

Définir ce que « made in Africa » veut dire

En définissant les règles d’origine, les décideurs politiques détermineront de ce que signifie « Fabriqué en Afrique », qu’il s’agisse d’un pourcentage de valeur ajoutée réalisé sur le continent ou de l’exigence que certains processus de fabrication soient effectués dans le pays ou la zone d’origine.

Une fois ces règles arrêtées, les investisseurs étrangers y compris les Chinois devront s’assurer qu’ils remplissent les conditions requises afin de pouvoir utiliser leurs opérations comme des plateformes régionales et continentales.

À ses débuts, la Zlecaf ne causera pas trop de problèmes à la Chine, ni à personne d’autre

Par exemple, Volkswagen pourrait chercher à utiliser ses opérations prévues au Ghana pour exporter vers les États de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ; et lorsque la Zone de libre-échange africaine sera pleinement opérationnelle, le constructeur automobile pourrait en théorie vendre ses voitures en franchise de droits sur tout le continent.

Encore loin du compte

En revanche, l’accord de libre-échange n’inclut pas de tarif extérieur commun, laissant à chaque pays le soin de décider des droits qu’il imposera aux marchandises chinoises.

Si la Zlecaf est un projet ambitieux, « il faudra au moins dix ans avant qu’il ne commence à ressembler au principal moteur du commerce africain. À ses débuts, il ne causera pas trop de problèmes à la Chine, ni à personne d’autre », estime Stephen Chan, professeur de politique mondiale à la School of Oriental and African Studies de Londres.

Pour lui, « le ciment kényan ne suffira guère à satisfaire les exigences africaines, ni celles de Dangote au Nigeria ou via ses filiales sur le continent », et les Chinois peuvent proposer un meilleur prix que de nombreux producteurs locaux. Bien que la Zlecaf constitue un pas important vers l’intégration économique continentale, il faudra donc encore beaucoup de diplomatie et de négociations avant que les intérêts de Pékin ne soient menacés sur le terrain des produits manufacturés en Afrique.

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