Musharraf fait sa loi

Le général-président prétexte la lutte contre le terrorisme djihadiste pour proclamer l’état d’urgence. Et neutraliser ses opposants.

Publié le 13 novembre 2007 Lecture : 2 minutes.

Le président pakistanais, le général Pervez Musharraf, a perpétré un nouveau coup d’État, le 3 novembre, pour s’accrocher coûte que coûte au pouvoir. Les raisons qu’il a invoquées pour proclamer l’état d’urgence visent à forcer la main à Washington et aux autres capitales occidentales en prétendant que c’est le prix à payer pour combattre l’extrémisme islamiste. Ce sont des mensonges éhontés. Musharraf ne cherche pas à protéger son pays, même en tant que fer de lance de l’administration américaine dans sa « lutte contre le terrorisme ». Il n’a d’autre souci que de mettre fin aux pressions politiques et judiciaires.
La Cour suprême, revigorée après la campagne menée par les avocats pour rétablir son président dans ses fonctions, devait se prononcer sur la validité de l’élection de Musharraf le mois dernier. Celle-ci n’était certainement pas légale : il avait été choisi par des hommes de paille du Parlement précédent et des assemblées provinciales rescapés des élections tronquées de 2002. Et bien qu’il se fût engagé à renoncer à ses fonctions de chef des armées, Musharraf a été élu alors qu’il portait encore l’uniforme, ce qui est contraire à la Constitution. On pensait, cependant, que la Cour suprême validerait l’élection, mais qu’elle demanderait un nouveau vote de confiance après les législatives prévues en janvier. Le général président n’a pas voulu prendre ce risque, et les législatives ont été remises sine die. C’est un désastre pour le Pakistan.
Tout cela n’a rien à voir avec la lutte contre le terrorisme djihadiste, que la mauvaise politique de Musharraf a tant contribué à alimenter. L’essentiel du décret sur l’état d’urgence est une déclaration de guerre au pouvoir judiciaire. En lançant des mandats d’arrêt contre des avocats, des défenseurs des droits de l’homme et les dirigeants des principaux partis, et en interdisant les très dynamiques organes de presse pakistanais, le régime a coupé les ponts avec la société civile, un allié indispensable pour remporter la guerre contre l’extrémisme.
Malgré des réserves officielles, Washington a sans doute déjà donné son feu vert au coup de force de Musharraf : l’amiral William Fallon, patron du US Central Command et le numéro un des guerres en Afghanistan et en Irak, l’a rencontré à Islamabad la veille de la proclamation de l’état d’urgence. L’espoir des Américains d’un partage du pouvoir entre le général et Benazir Bhutto, l’ancien Premier ministre, désormais en position de plus en plus difficile, paraît très compromis. On voit mal ce qui pourrait l’empêcher de basculer du côté de l’opposition. Cette alliance, de toute façon, ne leur aurait pas donné la légitimité nécessaire pour combattre le djihadisme. Il faut un consensus national, qui ne peut être acquis que par un débat démocratique dans le cadre d’un État de droit.

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