Liaisons dangereuses

Les deux pays, qui font le même diagnostic sur l’instabilité de la région, s’accusent mutuellement de ne rien mettre en uvre pour y rémédier.

Publié le 13 novembre 2007 Lecture : 4 minutes.

Si tout le monde est d’accord pour admettre que la situation qui prévaut dans la province congolaise du Nord-Kivu (Est) est plus qu’explosive, les avis divergent sur les moyens à mettre en uvre pour sortir de la crise. L’offensive menée depuis octobre par l’armée congolaise contre les hommes du général rebelle Laurent Nkunda est déjà perçue comme un coup d’épée dans l’eau. Dès le départ, en effet, la communauté internationale avait indiqué à Kinshasa qu’elle ne souhaitait pas une solution militaire au conflit et privilégiait au contraire un dialogue avec les insurgés.
Mais au moment où tous les regards sont tournés vers Goma, le chef-lieu du Nord-Kivu, une diplomatie discrète agit entre Kinshasa et Kigali. Les deux capitales, dont les relations restent marquées par une suspicion mutuelle, semblent au moins d’accord sur un point : la présence, à l’est de la République démocratique du Congo (RDC), des rebelles des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) constitue une menace pour la stabilité de la région. C’est ce qui ressort, en tout cas, des échanges épistolaires entre le ministre rwandais des Affaires étrangères, Charles Murigande, et son homologue congolais Antipas Mbusa Nyamwisi.

La première lettre, datée du 24 septembre et rédigée par Murigande à l’intention de Mbusa Nyamwisi, fait suite aux déclarations, deux jours plus tôt, d’Ignace Murwanashyaka, le chef de file des FDLR, sur les ondes de la radio britannique BBC. Selon lui, les autorités congolaises arment et soutiennent son mouvement. Et ce depuis la présidence de Laurent-Désiré Kabila. Face à ces « affirmations très troublantes, écrit Murigande, mon gouvernement exige une clarification urgente ». Mais le chef de la diplomatie congolaise ne réagit pas. Le 4 octobre, nouvelle missive du ministre rwandais, qui informe son homologue que « dans la nuit du 30 septembre 2007 à 23 h 30, les ex-FAR/Interahamwe/FDLR ont lancé une attaque sur le territoire rwandais dans le secteur de Busasamana, dans le district de Rubavu. L’attaque a été lancée à partir du territoire de la RDC. [] Les assaillants provenaient d’une unité des FDLR qui [] aurait récemment reçu des armes et du matériel de certains commandants des FARDC [les Forces armées congolaises, NDLR] ».
Le 11 octobre, Mbusa Nyamwisi prend finalement la plume. Et réfute les accusations. Se voulant persuasif, il écrit : « Mon gouvernement est convaincu que la solution durable à toutes ces questions, notamment les nombreux morts et dégâts matériels que les ex-FAR/Interahamwe causent au Nord- et au Sud-Kivu et la menace sécuritaire qu’ils font peser sur votre pays, les attaques des hommes de Laurent Nkunda et sa tentative d’impliquer votre pays dans les affrontements en se repliant à notre frontière commune [] réside dans la mise en uvre des différents mécanismes de collaboration convenus et la coopération entre nos États. » Rejetant les déclarations du leader des FDLR, le ministre des Affaires étrangères congolais affirme « qu’il n’y a aucune autre voie pour les ex-FAR/Interahamwe que celle de rentrer sans conditions chez eux ». Mbusa Nyamwisi a pris soin de joindre à son courrier la « Proposition du plan de règlement du dossier ex-FAR/Interahamwe », fruit d’un échange entre le chef de l’État congolais Joseph Kabila et son homologue rwandais Paul Kagamé, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, en septembre, à New York.
Le plan congolais, reposant sur quatre volets – désarmement volontaire ou forcé, cantonnement, délocalisation, réinstallation -, ambitionne de « mobiliser toutes les énergies politiques, diplomatiques et militaires avec détermination, pour le règlement définitif de ce qui reste encore du phénomène ex-FAR/Interahamwe ». Objectif : faire revenir la paix et la stabilité en capitalisant les « retombées positives de la confiance naissante » entre Kinshasa et Kigali. Tout en mettant l’accent sur le retour d’un grand nombre de rebelles rwandais dans leur pays grâce à un désarmement volontaire. Selon ses concepteurs, l’originalité du plan tient au fait qu’il prévoit de déplacer les insurgés de leurs positions actuelles vers des centres de transit d’où ils seraient volontairement rapatriés au Rwanda. Autre « innovation », la « réinstallation ordonnée » sur le territoire congolais « des combattants indécis », ainsi que de leurs familles, admis au statut de réfugiés après leur enregistrement au HCR (Haut-Commissariat pour les réfugiés).
Le 27 octobre, Murigande répond à Mbusa Nyamwisi, ironise et fait des contre-propositions. Pour le Rwanda, les FDLR ne déposeront pas les armes « en recevant des casquettes, des tee-shirts et des livres d’images », mais par la mise en application des recommandations sur un désarmement forcé.

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Si elles acceptent l’idée d’un cantonnement de ces combattants, les autorités rwandaises souhaitent que les centres de transit servent à leur enregistrement avant leur rapatriement. Ces centres, qui seraient ouverts à l’est de la RDC, ne devraient pas fonctionner au-delà d’une semaine. Mais le gouvernement rwandais reste opposé à toute création d’une commission tripartite Rwanda-RDC-HCR sur les FDLR et ne souhaite pas « accorder le statut de réfugiés » à ceux qu’il considère comme des génocidaires. Kigali refuse également toute délocalisation des rebelles dans une autre région de la RDC car cela consisterait à « retarder la menace », mais reste disposé à examiner cette possibilité dans des pays éloignés après une concertation avec la communauté internationale. Idem pour ce qui concerne la réinstallation. Quant aux options militaires contre les FDLR, le Rwanda propose des actions conjointes soit de l’armée congolaise et de la Mission des Nations unies en RDC (Monuc), soit de l’armée congolaise et de l’armée rwandaise. Ou bien encore de l’armée congolaise et d’une force africaine. La balle est maintenant dans le camp de Kinshasa.

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