Gbagbo-Soro : le divorce ?

Identification des populations, redéploiement de l’administration, désarmement La tension monte entre le président et son Premier ministre.

Publié le 13 novembre 2007 Lecture : 3 minutes.

Il arrive parfois, quelques semaines à peine après un mariage, que l’on soit confronté à des problèmes que l’on sentait venir dès les fiançailles mais auxquels on a préféré ne point trop prêter attention, accaparé par les célébrations d’une union et par les espoirs qu’elle suscite. C’est, peut-être, le scénario que rencontrent aujourd’hui les deux principaux acteurs de la crise ivoirienne, le président Laurent Gbagbo et son Premier ministre Guillaume Soro.
Lorsque le chef de l’État et le leader des Forces nouvelles ont signé, le 4 mars 2007, l’accord politique de Ouagadougou, bien peu de voix se sont élevées pour rappeler aux Ivoiriens que rien n’était réglé, que les principaux écueils se trouvaient encore sur le chemin de la paix. À l’époque, seule la perspective d’une sortie de crise à tout prix comptait. Après maints arrangements, réunions ou sommets, Ouaga incarnait la « dernière carte », l’ultime recours. Il ne fallait pas gâcher la fête, compromettre l’avenir en ressassant le passé. Pour la première fois, les protagonistes s’entendaient entre eux, sans ingérences extérieures. Et Soro, contrairement à un Seydou Elimane Diarra, dont le décret de nomination fut signé à Paris en février 2003, ou à un Charles Konan Banny, lancé dans la bataille en marge du sommet Afrique-France de Bamako, en décembre 2005, n’était imposé par personne à Gbagbo. Huit jours à peine après la nomination, le 29 mars, de Soro à la primature, le gouvernement, composé de l’essentiel des forces politiques du pays, était installé.
Tendu depuis plusieurs années, le climat social s’était subitement apaisé. Simone Ehivet Gbagbo dansait, le 14 avril, avec Sidiki Konaté, l’un des chefs de l’ex-rébellion, et l’image faisait le tour du pays. Le « général » boutefeux Charles Blé Goudé, leader des Jeunes Patriotes, troquait l’uniforme de la rue pour la tunique du missionnaire de la paix. Le 30 juillet, pour la première fois depuis le début du conflit, Laurent Gbagbo se rendait à Bouaké, aux côtés de Soro et du facilitateur Blaise Compaoré pour y brûler les armes rendues par les ex-rebelles. Deux semaines plus tard, le 16 août, la « zone de confiance », qui coupait le pays en deux, était supprimée. Le 25 septembre, les audiences foraines démarraient. Et les signes de décrispation se multipliaient
Las, Gbagbo et Soro semblent aujourd’hui traverser leur première véritable épreuve. L’affrontement entre les deux hommes, le plus souvent par personnes interposées, ne s’étale pas au grand jour comme ce fut le cas pour les deux précédents locataires de la primature, mais se joue en coulisses, ainsi que le raconte par le menu notre collaborateur Cheikh Yérim Seck. Au cur de cette « lutte de clans », les mêmes difficultés qu’avant : désarmement, identification, réinsertion, organisation des élections Soro sait qu’il doit impérativement réussir ce pourquoi on l’a nommé : organiser des élections libres, transparentes, incontestables. Car c’est le seul socle sur lequel la Côte d’Ivoire de demain pourra s’appuyer pour se (re)construire. Mais il ne veut pas réussir à n’importe quel prix. Pas plus qu’il ne peut accepter de perdre de vue ce pourquoi lui et les siens ont pris les armes, en septembre 2002 : régler le problème d’identité des Ivoiriens, faire en sorte qu’il n’y ait plus de citoyens de première et de seconde catégorie.
Les deux protagonistes sont aujourd’hui prisonniers de leur propre camp. Notamment sur toutes les questions relatives au désarmement et à la réinsertion des « militaires ». Le problème est épineux, quasi insoluble : les Forces loyalistes se disent moins bien traitées que leurs ennemis d’hier, à qui on promet pécules et facilités. Les ex-rebelles, que Gbagbo ne se résout pas encore à intégrer au sein de son armée, craignent toujours que le redéploiement des Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (Fanci) dans les zones encore sous leur contrôle, chez eux, n’ait pour principal objectif que de les acculer à une reddition pure et simple.
Et le facilitateur dans tout ça ? Il ne dispose que des prérogatives dévolues à un arbitre moral : discuter, écouter, recommander. Des leviers qui pèsent d’un poids limité quand il s’agit de convaincre ou de contraindre. Le divorce entre les deux hommes n’est pas encore prononcé, loin de là. Il est encore temps de se parler, de faire des concessions, de sauver une union qui a suscité tant d’espoirs. Après Ouaga, l’incendie ivoirien semblait éteint. Mais sous les cendres, quelques braises ne demandent qu’à être ravivées. À moins qu’un coup de pied salvateur ne vienne les disperser, avant qu’il ne soit trop tard.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires