Cartes sur table
Malgré l’échec annoncé par beaucoup, le sommet d’Annapolis pourrait représenter une importante contribution à l’histoire des négociations israélo-arabes. Pour la première fois, on verra clairement qui aspire à la paix et, surtout, qui n’en veut à aucun prix.
Israël n’a jamais eu aussi peu d’excuses de s’y refuser, et le climat ambiant n’a jamais été aussi favorable. La carte du terrorisme ne peut plus être utilisée, car le terrorisme s’est calmé. Les Qassam qui tombent sur Sderot et la mort d’un enfant ne sont pas des raisons suffisantes pour rejeter le processus de paix. Ce niveau de terrorisme sera malheureusement l’une des données durables des relations israélo-palestiniennes dans les prochaines années. Nous devons apprendre à vivre avec et, surtout, admettre qu’elle ne disparaîtra pas en l’absence d’un accord mettant fin à l’occupation.
Il y a plus. Aujourd’hui, c’est surtout pour les Palestiniens que se pose le problème de la sécurité. L’État hébreu ne peut plus continuer à brandir l’argument de la sécurité au bout de sept années au cours desquelles les Israéliens ont tué 4 267 Palestiniens, dont 861 enfants et adolescents, pour 467 morts israéliens, selon les chiffres de B’Tselem.
Autre excuse qui ne tient plus, celle de « l’absence de partenaire ». Israël n’a jamais eu de « partenaire pour la paix » plus compréhensif que Mahmoud Abbas. Certes, il ne représente qu’une petite moitié du peuple palestinien – Olmert ne représente qu’une partie encore plus faible des Israéliens -, et il serait également préférable que la délégation palestinienne à Annapolis comprenne le Hamas, mais ce n’est pas une raison pour ne pas essayer. Nous avons éliminé le « partenaire » Arafat – et on peut le regretter maintenant -, mais nous ne pouvons plus invoquer comme excuse la faiblesse de son successeur : Israël a tout fait pour provoquer cette situation. Le monde arabe, lui aussi, est plus ouvert à Israël et à la paix qu’il ne l’a jamais été. L’État hébreu sabote méthodiquement la résolution de la Ligue des États arabes et le plan de paix saoudien, mais ils sont toujours là, et ils représentent un message d’espoir sans précédent pour Israël.
Le véritable rôle des États-Unis sera également mis en évidence. Aucun autre pays n’est en mesure d’apporter une aussi grande contribution à la paix dans la région que l’Amérique, mais en l’absence de toute pression sur Israël on a le sentiment que les Américains eux-mêmes ne feront pas l’effort suffisant pour que la paix s’instaure. Annapolis n’est, de leur part, qu’une mise en scène destinée à épater la galerie. Et de toute évidence, ils n’y mettent aucune conviction.
Toutes les cartes seront sur la table à Annapolis, et ce n’est pas rien. La communauté internationale jugera, les Israéliens décideront : qui veut vraiment la paix ?
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