Vos lettres et emails sélectionnés

Publié le 12 septembre 2005 Lecture : 7 minutes.

Crise de régime ou conflit de personne ?
La chronique politique française s’est enrichie, depuis plusieurs semaines, du débat sur la « crise de régime » (voir J.A.I. n° 2315). Celle-ci prendrait sa source dans les difficultés économiques, mais aussi dans la désillusion d’une jeunesse en panne de repères. Cette théorie est à mon sens infondée. En réalité, les institutions de la Ve République fonctionnent plutôt bien, seules les personnes qui les incarnent poseraient
problème.
En effet, on peut se demander si les attaques portées contre la personne de Jacques Chirac n’ont pas atteint la dignité de la fonction qu’il incarne. Les « affaires », la « danse des juges » et la posture de Nicolas Sarkozy en rival irrévérencieux ont considérablement affaibli le président français, et l’échec du référendum sur la Constitution européenne a achevé de rendre sa parole « atone ». Dans ce contexte, on peut être tenté de penser qu’un Chirac politiquement érodé et – dit-on – en fin de mandat participerait de cet affaiblissement de la fonction présidentielle.
Les gouvernements successifs ont été impuissants à réaliser les principales promesses électorales de 2002, notamment à faire baisser durablement le chômage pour résorber la fracture sociale. Ils n’ont pas une vision claire de ce que devra être la France des vingt prochaines années. Toutes choses qui laissent penser qu’une certaine idée de la France a vécu et que, de grande puissance de jadis, elle semble s’acheminer vers un statut de puissance moyenne. Peut-on pour autant théoriser la crise de régime ? Je ne le pense pas, car les institutions françaises peuvent être en panne ou à réformer, mais elles ne sont pas pour autant obsolètes. La vie politique française traverse une perturbation qui se traduit par la désaffection des citoyens pour les politiques, tous bords confondus. Il s’agit du désamour d’un peuple vis-à-vis de son élite, sentiment amplifié par le mal-être d’une société nostalgique des Trente glorieuses et de la « Grandeur de la France ».

L’avenir du Soudan
Dans son éditorial sur la pertinence des différentes candidatures africaines à un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies, M. Fouad Laroui s’est intéressé, avec une ironie que je ne lui conteste pas, au Soudan (voir J.A.I. n° 2324). Je souhaite
cependant apporter la précision suivante.
Nous ne prétendons pas « régler les problèmes de la planète », mais nous avons entrepris de régler nos problèmes nationaux. Je vous renvoie, à ce propos, aux déclarations du secrétaire général des Nations unies à l’occasion de la signature de l’accord de paix, le 9 janvier dernier, entre le gouvernement soudanais et le SPLA. Quant à la douloureuse question du Darfour, dont les origines sont si particulières, il faut connaître la déclaration de principe, qui met en exergue le respect de la multiethnicité et des libertés fondant la démocratie, l’extension des pouvoirs des autorités locales, la distribution équitable des richesses nationales et l’organisation de l’assistance humanitaire – qui sont le fil directeur des négociations de paix. Plus que d’ironie, le Soudan a besoin de soutien et de reconnaissance des efforts qu’il déploie. Souvenez-vous que ce sont les pays en conflit pendant la Seconde Guerre mondiale qui ont présidé à la création de l’Organisation des Nations unies. Comme vous le soulignez, le Soudan a potentiellement tous les atouts pour représenter, un jour prochain, l’Afrique au sein de la communauté internationale. Une Afrique qui aura su surmonter ses conflits, comme nous sommes en train de le faire.

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Niger : sondage et réalité
J’ai été consterné de lire les résultats du sondage, mis en ligne sur votre site Internet, concernant la famine au Niger (voir J.A.I. n°2329). Etant donné que ce vote permettait à de nombreuses personnes ignorant la réalité du Niger d’exprimer une opinion, les 57,9 % de gens qui estiment que la famine a été causée par une gestion inadéquate du gouvernement nigérien sont loin de refléter la réalité.
L’histoire retiendra que c’est le Premier ministre, Hama Amadou, qui lancé le premier cri d’alarme à la communauté internationale, depuis la tribune de l’Assemblée nationale nigérienne, puis sur les ondes de RFI. Sans son courage et son sens des responsabilités, où seraient aujourd’hui les enfants affamés dont les organismes d’assistance humanitaire ont sauvé la vie ? La diaspora nigérienne s’enquiert régulièrement de la situation du pays. Nous savons que des structures ont été mises en place et que l’aide est gérée et coordonnée par la société civile.

Donner sa chance à la Mauritanie
Entre 1978 et 2005, les diverses politiques mises en place en Mauritanie n’ont pas été suivies de résultats positifs. Les dirigeants ont sacrifié la gestion sur le long terme au profit de solutions temporaires qui n’ont été que des calmants alors que le malaise était chronique. La crise économique, politique et sociale était sur le point de conduire le pays à la guerre civile.
Aujourd’hui, la balle est dans le camp des partis. Le Comité militaire pour la justice et la démocratie (CMJD) n’est venu ni pour faire fortune ni pour le pouvoir. J’espère qu’il aura la chance de concrétiser ses engagements.

Français à géométrie variable
À Helsinki, Eunice Barber, médaillée d’argent (seulement), est redevenue dans la bouche de certains présentateurs des journaux télévisés « la Française d’origine sierra-léonaise
». Elle aurait remporté l’or que l’on parlerait de « la Française Eunice Barber » tout court. Gageons que si les performances de Zinedine Zidane en équipe de France ne sont pas à la hauteur de l’attente des Français dits de souche, qui ont applaudi à l’annonce de
son retour, il redeviendra certainement « le Français né de parents algériens ». La classification comprend en effet trois niveaux correspondant à la dégradation, à l’acceptation ou au mépris, c’est selon. Il y a les Français nés de parents marocains, les Français d’origine congolaise (ou sénégalaise, etc.), et les Camerounais naturalisés
français. On se réfère aussi parfois à une athlète, représentant pourtant les couleurs
nationales, comme « la Guadeloupéenne ». On entendra pourtant jamais parler de « l’Alsacienne » ou du « Franc-Comtois » quand il s’agit d’un athlète blanc pur sucre de betterave. Ni même du « Basque » ni du « Corse », pourtant grands séparatistes devant l’Éternel.
La France n’intègre ses Nègres et ses Arabes que lorsqu’ils gagnent à 100 %. Si tel n’est pas le cas, ils jouissent d’appellations d’origine incontrôlée. Les travailleurs sportifs immigrés demeurent ainsi des Français entièrement à part, des zonards de la considération qui, elle-même, varie en fonction de leur rendement.
Cet étrange phénomène inspirera peut-être un jour un autre succès de librairie, qui aura pour titre : Comment la France a perdu ses colonies et territoires d’outre-mer.

Ouganda et non Kenya
Dans votre dernier quiz sur la géographie (J.A.I. n° 2327-2328), vous indiquez dans la réponse à la question 8 que le pays qui n’a pas de frontières avec l’Éthiopie est le Kenya. Il suffit de consulter une carte : c’est l’Ouganda et non le Kenya.
Commentaire : Vous avez hélas raison. Veuillez nous excuser pour cette erreur due à l’étourderie.

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Pour la candidature du Sénégal
Comme le dit l’anthropologue Constantin Von Barloewen, la culture est la puissance déterminante de notre temps. Mon pays, le Sénégal, mérite une place de membre permanent
avec droit de veto au Conseil de sécurité, et ce pour trois raisons :
1. sa culture démocratique (l’alternance politique a été réussie) ;
2. sa culture économique (les mécanismes de bonne gouvernance fonctionnent) ;
3. sa culture sociale (le projet de charte nationale sur le dialogue social est sur les rails).
Quiconque doute de la puissance culturelle du Sénégal doit se rappeler les deux grandes personnalités qui ont contribué à la promotion de l’Afrique dans son ensemble : Léopold Sédar Senghor, le chantre de la négritude, et Cheikh Anta Diop, qui a donné à l’Afrique son statut de berceau de l’humanité.

Aux J.O. de la famine
Les jeux Olympiques de la famine sont terminés au Niger. Les médias sont partis, les hommes politiques aussi Le spectacle était émouvant : des sacs de riz et un peu d’argent ont été distribués, les mêmes discours tenus, les larmes de crocodiles versées. Sont
restés les mêmes problèmes, qui ne trouvent pas de solution. Nous arrivons à monter la
fusée Ariane, par exemple, mais pas à nourrir les enfants, à tuer les petits criquets ou à construire des systèmes d’irrigation. Les Jeux reprendront l’année prochaine. Dans quel
pays ? L’Éthiopie ? Qu’importe, pourvu qu’on ait les caméras.

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Courage face au terrorisme
Courageuses et pertinentes ont été vos observations relatives aux terrorismes (voir J.A.I. n°2323). Il était temps que s’élève une voix musulmane pour condamner haut et fort ces actes de violence et de barbarie, qu’aucune cause ni aucune fin ne saurait justifier. Si l’on veut s’attaquer aux vraix problèmes qui le rongent et le minent chaque jour un peu plus, il faut que juifs, chrétiens, musulmans, hindous et bouddhistes condamnent fermement tous ces illuminés et fanatiques de tous bords et de toutes origines, qui promettent le paradis à ceux qui massacrent des innocents en se servant de la religion comme prétexte. A ma connaissance, aucune religion – l’islam y compris- ne prône la violence et l’assassinat comme moyen de bâtir un monde de paix, d’amour et de fraternité.

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