Une reine musulmane

Publié le 12 septembre 2005 Lecture : 2 minutes.

Qui l’eût cru ? La jeune femme élue Miss Angleterre 2005 n’a guère la culture des pubs londoniens où la bière coule à flots. Encore moins celle des pork pies, ces tourtes à base de porc tant prisées outre-Manche. Car Hammasa Kohistani est musulmane. Cette étudiante de 18 ans, d’origine ouzbèke, a été couronnée, le 3 septembre, à Liverpool. Une victoire et non des moindres, car en plus d’avoir le privilège de ceindre son corps de la fameuse écharpe, la jeune fille a réussi l’exploit de devenir la première Miss Angleterre musulmane. « C’est historique, et je suis très heureuse. J’espère ne pas être la dernière musulmane à gagner », a déclaré l’heureuse élue, les yeux encore plein de paillettes. La dernière, certainement pas, si l’on en croit les résultats. Sur les vingt finalistes retenues – elles étaient au départ quarante – au terme d’une compétition de deux jours, il y avait quatre musulmanes, qui n’ont pas hésité à tomber voile et djellaba. Une participation que certains dignitaires religieux n’ont guère appréciée, ce concours transgressant selon eux les enseignements du Coran. Ils avaient, sans succès, invité les jeunes filles à se retirer de la compétition. L’une d’entre elles, d’origine irakienne, soucieuse de ménager sa communauté, avait délaissé le traditionnel bikini pour défiler dans un maillot de bain une pièce recouvert d’un sarong. Sa démarche n’a pas amadoué le vice-président du conseil des mosquées du Lancashire : « En participant à cette compétition, elle abjure sa foi. Un maillot de bain intégral à la place d’un bikini, cela ne change rien. Elle exposera sa chair dans un concours de beauté. » Favorite du public, la pudique candidate s’est pourtant inclinée devant Hammasa Kohistani.
Née à Tachkent, en Ouzbékistan, cette jolie brune s’est réfugiée en Angleterre avec ses parents après avoir fui l’Afghanistan. En plus d’avoir un visage avenant, la belle a aussi une tête bien faite : polyglotte, elle parle six langues, dont le russe, le farsi et le français. De quoi aborder, le coeur léger, son année de règne, durant laquelle elle parcourra le monde en portant les couleurs du Royaume-Uni. Une victoire plus que symbolique dans ce pays où le souvenir douloureux des attaques terroristes du 7 juillet, qui ont fait 56 morts, est encore vivace. Il y a quelques semaines, personnes n’aurait parié sur une telle éventualité, tant l’islamophobie qui s’était abattue sur Londres avait été virulente. En juillet, les incidents racistes ont augmenté de 600 % par rapport à l’an dernier (plus de 270 actes racistes, contre 40). Des insultes, des agressions physiques, mais aussi des actes de vandalisme contre des mosquées.
Tout en répétant que l’origine pakistanaise des terroristes du 7 juillet ne devait en aucun cas conduire à jeter l’opprobre sur certaines populations immigrées, la police ne s’est pas privée de déclarer son intention d’arrêter et de fouiller systématiquement « plutôt les jeunes basanés que les vielles ladies blanches à la sortie des salons de thé ». Le couronnement de cette miss d’origine musulmane atténuera-t-il les tensions encore palpables qui règnent dans la capitale ? La toute nouvelle élue, elle, reste sereine. Sans renier ses origines, elle se prépare à représenter son pays d’accueil au concours de Miss Monde, en décembre, en Chine, avec sa foi et sa bannière.

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