Moubarak : le mandat de trop ?

Publié le 12 septembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Hosni Moubarak, 77 ans, au pouvoir depuis 1981, a été réélu, comme prévu, le 7 septembre, pour un cinquième mandat de six ans. Comme prévu aussi, le raïs a réalisé un score dépassant largement celui des neuf autres candidats en lice, dont sept vrais comparses. Comme prévu encore, cette première présidentielle pluraliste de l’histoire du pays a été entachée de fraudes, qui ont surtout profité au président sortant. Ces irrégularités n’ont pas manqué d’être signalées par les 2 200 observateurs volontaires et indépendants, chargés par les ONG locales en l’absence d’observateurs étrangers de superviser le vote.
Outre l’achat des voix des électeurs des quartiers pauvres une tradition bien ancrée dans le pays , surtout par les partisans du Parti national démocratique (PND, au pouvoir), ces observateurs ont relevé l’absence d’isoloirs dans de nombreux bureaux de vote et, à l’intérieur de ceux-ci, la présence de policiers et d’agents des services de renseignements. En plus, bien entendu, des fonctionnaires chargés de vérifier l’identité des votants et de veiller au bon déroulement du vote, qui étaient tous aux couleurs du PND.
De même, de nombreux électeurs, au Caire comme en province, n’ont pas trouvé leurs noms sur les listes électorales. La plupart de ces listes n’ont pas été mises à jour depuis longtemps. Certaines ont été ramenées plusieurs heures après le début du vote, sans aucune explication. Faut-il s’étonner dès lors que de nombreux Égyptiens aient été empêchés de s’acquitter de leur devoir parce que leur carte d’électeur portait un numéro… inscrit avec le nom de quelqu’un d’autre ?
Comme lors des scrutins précédents, les partisans du président sortant ont été ramenés
par bus entiers. Portant des tee-shirts à l’effigie du raïs, ces derniers ont poursuivi
la campagne électorale devant et même à l’intérieur des bureaux de vote (affichage, distribution de tracts et slogans favorables à leur candidat lancés par hautparleurs…).
Quant à la fameuse encre théoriquement indélébile pendant vingt-quatre heures dans laquelle les électeurs devaient tremper leur doigt après avoir voté, de manière à ne pas
pouvoir voter une seconde fois ailleurs, elle était absente de nombreux bureaux. Last but not least, plusieurs représentants des partis en lice ont été empêchés d’observer le
déroulement des opérations de vote dans plusieurs provinces. Certains ont même été, selon leurs dires, « frappés, arrêtés et interrogés » par les forces de sécurité, notamment en Haute Égypte…

Ce scrutin qualifié d’« historique » par les responsables du gouvernement ne s’est donc pas déroulé dans des conditions minimales de transparence. Il n’a pas enregistré non plus un taux de participation à même de donner à l’élection de Moubarak une certaine légitimité
démocratique. Au contraire, la plupart des observateurs ont constaté une faible affluence dans les bureaux de vote. Selon l’un d’eux, cité par l’AFP, sur les 21 600 électeurs inscrits dans les trois bureaux de Choubra al-Khaima, une banlieue pauvre du nord du Caire, moins de 500 ont voté durant les quatre premières heures de la journée. Si l’on considère, par ailleurs, que plus de la moitié des votants potentiels ne possédaient même
pas de carte d’électeur, on pourrait affirmer que le chef du PND a été porté de nouveau
à la magistrature suprême par une infime partie de ses concitoyens. Il a donc été mal, très mal réélu…

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Pour cette raison, sa mission s’annonce difficile. Non seulement parce qu’il aura du mal à tenir les promesses pharaoniques qu’il a faites à son peuple. Mais aussi et surtout parce que, en permettant, ne fût-ce que pour la forme, une multiplicité de candidatures à la présidence et un débat électoral contradictoire, il a ouvert une porte voire une boîte de Pandore qu’il lui sera difficile de refermer.
Le débat politique ainsi activé ne s’arrêtera plus, et l’opposition, qui y a pris goût,
continuera à demander la levée de l’état d’urgence, la libération des prisonniers
politiques, la liberté de la presse, l’indépendance de la justice, la liberté de créer des
partis politiques et la surveillance indépendante des élections, alors que le prochain
scrutin législatif, prévu en novembre, avance à grands pas.

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