Maroc-Espagne : violences policières dans un centre d’hébergement de migrants mineurs
La vidéo de mineurs marocains présumés victimes de violences dans un centre d’hébergement pour migrants aux Canaries a irrité Rabat. Explications.
« Frère, s’il te plaît ! » répète un garçon marocain dans un centre d’hébergement pour migrants mineurs de la ville de Tafira, sur l’île de Grande Canarie. La vidéo, filmée le 31 janvier depuis un étage du bâtiment, montre plusieurs agents de la police nationale encerclant un groupe de jeunes près d’un mur. L’un d’entre eux est allongé sur le sol, immobile. D’autres, forcés de rester assis, sont frappés et giflés par les agents. Les images ont fait le tour des réseaux sociaux, sur l’archipel espagnol des Canaries comme au Maroc.
Rabat a estimé qu’une réunion sur ces violences s’imposait, tant les images de la vidéo étaient « inacceptables »
Trois jours plus tard, Rabat a convoqué l’ambassadeur d’Espagne au Maroc, Ricardo Diez-Hochleitner, au siège du ministère des Affaires étrangères pour lui faire part de sa « préoccupation » face à ces événements. Rabat a estimé qu’une réunion sur ces violences s’imposait, tant les images de la vidéo étaient « inacceptables », explique à Jeune Afrique une source diplomatique marocaine. « Nous avons demandé à Madrid de prendre les mesures disciplinaires nécessaires pour les auteurs de ces violences. » L’ambassadeur espagnol s’y est engagé.
La police et la Direction générale de la protection de l’enfance auprès du gouvernement des Canaries enquêtent depuis sur les circonstances de l’altercation.
Circonstances floues
Une semaine après les faits, les causes de l’incident restent floues. « Tout ce qui touche aux migrants mineurs est très opaque dans l’archipel », confie un humanitaire. Selon plusieurs sources proches du dossier, le garçon allongé sur le sol aurait tenté d’agresser avec une paire de ciseaux un éducateur de l’association Mundo Nuevo, chargée de la gestion du centre géré par le ministère des Droits sociaux. Plusieurs agents se sont alors présentés sur les lieux après que le centre a demandé de l’aide. Le jeune Marocain, en attente d’une convocation du tribunal, et l’éducateur, démis provisoirement de ses fonctions, ont tous deux porté plainte.
Une autre interrogation subsiste : le jeune Marocain était-il mineur ? Pour le gouvernement des Canaries (communauté espagnole autonome), l’homme avait « probablement » plus de 18 ans. Des tests osseux sont actuellement en cours pour déterminer son âge. Selon les chiffres de la Direction générale de la protection des enfants des Canaries, 95 % des incidents et altercations dans ces centres pour mineurs sont le fait d’adultes. Le gouvernement des Canaries, en collaboration avec la police et l’Institut de médecine légale, travaille actuellement à faire passer quelque 2 000 tests à des migrants qui se déclarent mineurs pour déterminer leur âge. Plus de 300 adultes présumés de plus de 25 ans se feraient passer pour des mineurs pour éviter l’expulsion.
Plus de 300 adultes présumés de plus de 25 ans se feraient passer pour des mineurs pour éviter l’expulsion
En un an, six incidents ont eu lieu dans ces centres, notamment des bagarres entre les jeunes, relate Nayra Carmen Moreno Morales, responsable des relations presse du département des droits sociaux du gouvernement des Canaries.
Plus de 2 600 mineurs
Dans un communiqué publié le 5 février, l’Unicef a aussi exprimé son inquiétude concernant la situation des mineurs migrants et demandeurs d’asile sur les îles Canaries, où le nombre d’arrivées d’enfants non accompagnés a pratiquement quintuplé en 2020.
Depuis plusieurs mois, l’archipel des Canaries connaît une brusque accélération de l’immigration, provoquée par la crise liée au Covid-19 et au renforcement des contrôles frontaliers à la suite des accords conclus entre l’Union européenne (UE) et la Libye.
Depuis plusieurs mois, l’archipel des Canaries connaît une brusque accélération de l’immigration
Pour la seule année 2020, 23 000 migrants africains sont arrivés illégalement sur les côtes de ces îles espagnoles. À la fin du mois de janvier, l’archipel espagnol comptait plus de 2 600 mineurs, principalement originaires du Maroc, du Mali et du Sénégal. Contrairement aux personnes majeures, dont la plupart vivent dans des camps de fortune ou des hôtels vacants, les enfants et adolescents sont répartis dans 27 installations d’urgence gérées par des associations ou des ONG.
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