Marocain à louer

Publié le 12 septembre 2005 Lecture : 2 minutes.

On croit à un poisson d’avril, à un gag, à un truc de com. Séguéla devenu fou et hollandais… Et pourtant, c’est rigoureusement authentique : à la bibliothèque publique d’Almelo, petite bourgade de l’est des Pays-Bas, on peut emprunter non seulement des livres – c’est le moins qu’on puisse attendre d’un tel établissement – mais aussi des gens. Oui, des gens, des gens comme vous et moi.

Oh, il n’y a rien de sordide là-dessous. Il ne s’agit pas d’un lupanar ou d’un comptoir d’esclaves déguisé en maison de la culture. Au contraire : l’idée est généreuse, peut-être même géniale. Voilà comment ça marche. Supposez que vous ayez des préjugés anti-Gitans (tous des voleurs aux cheveux gras) mais que, bourrelé de honte, vous vouliez vous débarrasser de vos idées préconçues. Eh bien, vous prenez rendez-vous avec la bibliothèque et, le jour venu, celle-ci vous fournit un authentique Gitan, aussi authentique que l’or de ses trois chaînes, de sa boucle d’oreille et de sa gourmette. Et vous pouvez passer la journée avec lui à vous renseigner sur les us étranges des Roms et des Manouches.

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Jan Krol, le directeur de la bibliothèque, nous explique qu’on peut aussi emprunter un handicapé, un Marocain ou un demandeur d’asile. L’idéal, s’enflamme-t-il, serait de disposer de représentants de toutes les minorités qu’on trouve à Almelo. Ainsi, tout le monde finirait par connaître – et mieux comprendre – tout le monde, la paix éternelle serait assurée. Cela dit, pour des raisons de sécurité, vous ne pourrez pas toujours emmener votre Rifain ou votre Sri-Lankais à la maison : certaines rencontres devront avoir lieu sur place, dans le bâtiment ultramoderne que dirige l’ami Krol.

Nous avons écouté avec stupéfaction le premier « prêtable » – existe-t-il un autre terme ? – expliquer, confortablement installé sur un divan au milieu du building, ses motivations. Le gracile Hans Mekenkemp – c’est son nom – a exprimé le souhait d’être régulièrement « prêté » à des musulmans pour les convaincre que malgré ses moeurs que la morale réprouve il est un être humain comme les autres. Un homme inverti n’en vaut peut-être pas deux, mais il en vaut un autre et peut-être même tous les autres.
Vous comprendrez que, totalement dépassé par les événements, on n’ait pas trouvé mieux que de demander : mais que se passe-t-il si on oublie de rapporter le « prêt » ? Doit-on payer une amende par jour de retard ? Jan Krol avoue qu’il n’a pas encore réfléchi à la question : après tout, ce n’est qu’un détail, eu égard à la dimension abracadabrantesque de son projet. On le quitte en se disant in petto que ce sympathique monsieur mérite soit le Nobel de la paix soit l’asile de fous…

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